Revue de presse féministe & internationale du 18 au 22 novembre

Résumé de la lettre de Reem Alsalem au gouvernement grec concernant la législation sur la gestation pour autrui (GPA)
20 novembre 2024
COMMUNIQUE DE PRESSE 21/11/2024 – 140 mesures pour lutter contre les violences sexuelles : les associations féministes révèlent leur projet de loi intégrale
22 novembre 2024
Résumé de la lettre de Reem Alsalem au gouvernement grec concernant la législation sur la gestation pour autrui (GPA)
20 novembre 2024
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22 novembre 2024

Revue de presse féministe & internationale du 18 au 22 novembre


 

Edition spéciale à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes le 25 novembre.

IRAK – COLOMBIE

Entre avancées et retours en arrière des droits des filles et des femmes 

Le 17 septembre, la Cour suprême irakienne a approuvé une proposition de réforme de la loi sur les statuts personnels, portée par la coalition des partis musulmans chiites conservateurs au pouvoir, visant à baisser l’âge légal du consentement de 18 à 9 ans.

Depuis 1959, la loi 188 régit sous un régime civil, établit les règles du mariage, du divorce et de la garde des enfants. Bien qu’elle soit considérée comme la plus progressiste du Moyen-Orient, la loi 188 a fait l’objet de tentatives de modification en 2014 et 2017, qui ont échoué en raison des contestations des femmes irakiennes.

Amar Al Hameedawi grand reporter à France 24 a déclaré que « cette loi est catastrophique pour les conditions de la femme en Irak ».

Si l’amendement venait à être adopté, il abrogerait la loi 188 qui permet aux femmes de divorcer et les protège du mariage avant leur majorité. Par ailleurs, il instaurerait des restrictions supplémentaires en interdisant aux femmes de garder leurs enfants en cas de divorce et limiterait leur capacité à hériter. Bien que la loi actuelle comporte déjà des failles – autorisant le mariage d’enfants avec l’accord d’un tuteur légal et d’un juge – elle fixe néanmoins un cadre civil limitant ces pratiques. Si la proposition de loi est adoptée, la loi irakienne qui jusqu’ici établit à 18 ans l’âge légal pour le mariage passera à 9 ans. Les hommes pourraient épouser des petites filles, une pratique déjà courante dans le pays, mais illégale. En Irak, 22 % des mariages non enregistrés concernent des filles de moins de 14 ans (Mission d’assistance des Nations Unies en Irak), et 28% des femmes irakiennes sont mariées avant l’âge de 18 ans (UNICEF). Ces mariages sont illégaux, non reconnus par l’Etat et de fait, exposent les filles à des violences sexuelles, les privent de leur droit à accoucher dans un hôpital (ce qui est impossible sans certificat de mariage). L’amendement actuellement débattu permettrait de légaliser ces unions et exposerait les jeunes filles à des violences sexuelles et physiques, en plus du mariage forcé qui est une violence en soi.

« L’adoption de ce projet de loi par le Parlement irakien constituerait un recul dévastateur pour les femmes et les filles irakiennes », explique Sarah Sanbar, chercheuse sur l’Irak à Human Rights Watch.

« Les filles devraient pouvoir aller à l’école ou jouer dans une cour de récréation, au lieu d’être obligées de porter une robe de mariée » « Cette loi revêt un caractère pédophile » Niyaz Abdulla, journaliste kurde irakienne, lauréate du Prix international de la liberté de la presse en 2022.

Alors que les droits des filles et des femmes reculent en Irak, la Colombie fait un pas en avant en adoptant, le mercredi 13 novembre, une loi interdisant le mariage des enfants. Il s’agit d’une avancée majeure dans un pays où le mariage était autorisé dès l’âge de 14 ans, sous réserve du “consentement” des parents et de la personne mineure. En 2023, 114 mariages impliquant des mineur·es ont été prononcés en Colombie. En Amérique du Sud, l’âge minimal pour se marier varie généralement entre 16 et 18 ans, à l’exception de l’Argentine, où le mariage à partir de 14 ans est permis avec l’approbation d’un juge. 

Toutefois, pour entrer en vigueur, la loi doit encore être promulguée par le président Gustavo Petro, qui avait rejeté une initiative similaire lorsqu’il était parlementaire.

Dans la plupart des cas, ce type d’union a lieu dans les communautés les plus pauvres entre un homme plus âgé et une fille mineure, ce qui perpétue « les cycles ou les pièges de la pauvreté », « l’abandon scolaire » et limite « l’autonomie et l’indépendance » des femmes, dénonce UNICEF. Cette loi représente une victoire importante pour les droits des filles et des femmes en Colombie, marquant la neuvième tentative législative depuis 2007.     

https://www.lefigaro.fr/international/nous-aspirons-au-progres-pas-a-la-regression-en-irak-une-proposition-de-loi-vise-a-baisser-l-age-du-consentement-de-18-a-9-ans-20241114  

https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20241118-irak-un-projet-d-amendement-de-la-loi-sur-les-libert%C3%A9s-inqui%C3%A8te-les-d%C3%A9fenseurs-des-droits-humains

https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20241119-irak-le-mariage-possible-d%C3%A8s-9-ans

https://www.ladepeche.fr/2024/11/14/lirak-en-passe-dabaisser-lage-du-consentement-de-18-a-9-ans-un-recul-devastateur-pour-les-femmes-et-les-filles-alerte-une-ong-12322455.php

https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/l-irak-pourrait-autoriser-les-mariages-avec-des-enfants-ca-serait-le-pire-pays-au-monde-pour-les-droits-des-femmes-et-des-enfants_6896732.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/14/la-colombie-adopte-une-loi-interdisant-le-mariage-des-enfants_6392727_3210.html


FRANCE

Un rapport remis sur les violences sexuelles et sexistes sous relation d’autorité ou de pouvoir  

Le rapport sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) sous relations d’autorité ou de pouvoir, publié en septembre 2024 par une mission interministérielle, présente les statistiques alarmantes de ces violences et formule des recommandations pour y répondre.

Ce document met en lumière les formes spécifiques de violences qui se produisent dans les milieux où les relations de pouvoir sont prépondérantes, comme les secteurs professionnel, éducatif ou médical. Il insiste sur la nécessité d’une mobilisation systémique et transversale pour prévenir, détecter, et sanctionner ces actes tout en apportant un soutien adapté aux victimes.

Le rapport débute par une analyse statistique glaçante. Près de 1,4 million de femmes ont déclaré avoir subi des violences sexuelles, hors cadre familial, en 2021, dont plus de 200 000 femmes victimes de violences sexuelles physiques et 1,1 million de femmes victimes de violences sexuelles non physiques. Pourtant, seulement environ 2 % de ces victimes déposent plainte, ce qui illustre un décalage massif entre les actes de violence subis et leur reconnaissance par la justice.

Ce faible taux de signalement s’explique par divers facteurs : en partie, la pression des menaces de représailles, la précarité économique et une méfiance envers les institutions. Les violences sexuelles et sexistes sont particulièrement prégnantes dans les environnements hiérarchiques, où l’autorité est souvent utilisée comme moyen de mise en confiance par les agresseurs, puis comme levier de pression.

Le rapport met en évidence des secteurs où ces violences sont particulièrement répandues, tels que la santé, l’enseignement supérieur, la culture et le sport. Par exemple, dans le milieu hospitalier, 39 % des femmes médecins rapportent avoir été confrontées à des comportements sexistes ou à des violences.

Les relations de pouvoir exacerbent les risques de violence sexuelles. En effet, les auteurs du rapport décrivent ces violences comme une “guerre psychologique” menée dans un contexte où les victimes dépendent souvent des agresseurs pour leur progression professionnelle ou académique. Cette dynamique de domination rend la dénonciation d’autant plus difficile, car les victimes redoutent des répercussions sur leur carrière.

Face à ce constat alarmant, le rapport propose 41 recommandations structurées autour de trois axes fondamentaux : la prévention, l’accompagnement des victimes et la sanction des auteurs. Pour renforcer la prévention, il préconise de rendre obligatoires des formations sur les violences sexuelles et sexistes pour les personnes occupant des postes d’autorité. Par ailleurs, il suggère de conditionner l’attribution des subventions publiques et autres aides financières au respect de critères stricts en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, une mesure particulièrement pertinente dans des secteurs comme le sport ou la culture.

En ce qui concerne l’accompagnement des victimes, le rapport met en avant la nécessité de développer des guichets uniques dédiés, afin de centraliser les signalements et d’offrir un soutien adapté. Il souligne également l’importance de campagnes de sensibilisation et de dispositifs d’écoute accessibles à toutes et tous, visant à encourager les victimes à briser le silence et ce taux de plaintes déposées si bas (2% des violences sexuelles, pour rappel).

Enfin, pour renforcer les sanctions et garantir une justice efficace, le document recommande une spécialisation des juridictions pour les affaires de violences sexuelles, permettant une meilleure compréhension des problématiques spécifiques et une prise en charge adaptée. Il insiste également sur la nécessité d’alourdir les sanctions envers les auteurs afin de marquer une tolérance zéro et mettre fin au sentiment d’impunité. 

Le rapport ne se limite pas aux sphères professionnelles et éducatives : il aborde également les racines sociétales des violences sexuelles. Il critique une culture qui banalise encore trop souvent ces comportements et souligne l’urgence de déconstruire les stéréotypes de genre. L’influence des nouvelles technologies est également mise en avant. Les réseaux sociaux et les plateformes numériques sont souvent un terrain fertile pour le cyberharcèlement et la diffusion de contenus violents.

Si les recommandations sont saluées pour leur ambition, plusieurs défis se posent quant à leur mise en œuvre. Les moyens humains et financiers nécessaires pour concrétiser ces mesures ne sont pas toujours détaillés, et le rapport laisse planer des incertitudes sur le calendrier d’application. Par ailleurs, la question de la coordination entre les différents acteurs; institutions publiques, associations, entreprises etc, reste cruciale pour garantir l’efficacité des actions proposées.

Cependant, comme le note une juriste citée dans le rapport, “les victimes attendent des actes”. Les recommandations, bien qu’essentielles, devront s’accompagner d’une mobilisation politique et sociétale sans précédent pour répondre à l’ampleur du problème. Ce document constitue une base pour avancer vers une société plus juste, mais il reste encore un long chemin à parcourir.

Pour consulter l’intégralité du rapport cliquez ici


INTERNATIONAL

Manifestation en “servante écarlate” contre la gestation pour autrui (GPA)

La Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (CIAMS), association membre de la CLEF, a manifesté ce samedi contre l’association américaine Men Have Babies à Bruxelles, habillée en servantes du roman The Handmaild’s Tale de Margaret Atwood.

L’organisation internationale à but non lucratif Men Having Babies (MHB) œuvre pour fournir aux hommes homosexuels un soutien éducatif et financier pour devenir parents grâce à la gestation pour autrui (GPA). Elle se rend chaque année en Europe pour recruter des clients, en visant principalement les hommes célibataires et homosexuels originaires de pays où la GPA est interdite. La CIAMS, association membre de la CLEF, dénonce cette pratique qui nuit au respect des droits des femmes et des enfants.  

Le choix de manifester habillé en “servante écarlate” de The Handmaild’s Tale n’est pas anodin. Dans cet univers dystopique créé par Margaret Atwood, ces femmes ont pour fonction principale de porter des enfants pour les familles de l’élite dirigeante, car la société est confrontée à une crise de fertilité. Elles n’ont aucun droit, pas de propriété, pas de liberté de choix. Leur identité leur est retirée : elles perdent leurs noms et prennent des noms basés sur ceux des commandants qu’elles servent. Les servantes portent des robes rouges, couleur qui symbolise le sang et le péché, pour symboliser leur fonction reproductive et leur statut subordonné. Leur uniforme est complété par des bonnets blancs qui restreignent leur vision et les isolent davantage.   

Les préoccupations de la CIAMS résonnent avec celles soulevées par la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, Reem Alsalem, qui  a adressé une lettre au gouvernement grec le 8 juillet 2024 pour alerter sur la législation grecque concernant la GPA.

La Grèce interdit la pratique de la GPA commerciale mais est l’un des rares pays à reconnaître légalement la GPA « altruiste », où la mère ne reçoit pas de compensation financière directe, à l’exception des frais liés à la grossesse. Reem Alsalem met en lumière la violation des droits fondamentaux des femmes et des enfants que cette pratique peut entraîner. Elle exprime également des inquiétudes quant à l’absence de garanties pour les droits à la vie, à la liberté et à la santé des mères et des enfants nés par GPA.     

Pour en savoir plus, consultez notre article sur la GPA en cliquant ici !   

Retrouvez le résumé de la lettre de Reem Alsalem en cliquant ici !

https://www.abc.es/familia/mujeres-belgas-protestan-asociacion-estadounidense-gestacion-subrogada-20241116155115-vi.html?ref=https%3A%2F%2Fwww.abc.es%2Ffamilia%2Fmujeres-belgas-protestan-asociacion-estadounidense-gestacion-subrogada-20241116155115-vi.html


FRANCE

Une coalition féministe présente une loi intégrale contre les violences sexuelles 

Le 21 novembre, une soixantaine d’organisations féministes, dont la CLEF, ont présenté 140 mesures pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où les signalements de violences sexuelles ont considérablement augmenté depuis le mouvement #MeToo, mais où la réponse judiciaire et les moyens alloués n’ont pas suivi.

En France, une femme est victime de tentative de viol ou de viol environ toutes les 7 minutes (chiffre donné lors des rencontres interprofessionnelles de la MIPROF en novembre 2024).  Entre 2017 et 2023, les plaintes pour viols et agressions sexuelles ont grimpé de 282 %, sans que le nombre de condamnations suive une évolution comparable. Selon une étude de l’Institut des politiques publiques, 86 % des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite, et 94 % pour les viols en 2021. Ces chiffres illustrent ce que la coalition féministe qualifie de « mur de la justice ».

Les associations dénoncent un grave manque de moyens : seuls 12,7 millions d’euros sont actuellement consacrés à la lutte contre les violences sexuelles soit 0,003% du budget de l’Etat (2). Elles demandent d’augmenter ce budget à 344 millions, et à 2,6 milliards pour les violences faites aux femmes en général, afin de garantir une réelle prévention et un accompagnement efficace des victimes.

La publication de ces propositions s’inscrit dans un moment crucial en France (procès des viols dits “de Mazan”, différentes révélations de violences sexuelles commises par des personnalités publiques…).  Dans ce contexte, la loi s’organise autour de trois grand axes : prévention, accompagnement des victimes, et réforme de la justice. La loi propose des formations obligatoires pour les professionnel•les en contact avec les victimes et préconise des guichets uniques pour signaler les faits et accompagner les victimes avec des dispositifs d’écoute accessibles. Enfin, les recommandations appellent à la création de juridictions spécialisées et à des moyens renforcés pour garantir un traitement rapide et adapté des plaintes déposés pour des infractions sexuelles. 

La coalition féministe met également en avant la nécessité de rendre effectives les trois séances annuelles d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues par la loi, tout en renforçant les séances sur l’égalité entre les sexes, la lutte contre les préjugés sexistes, et les violences faites aux femmes.

La lutte contre les industries pornocriminelle et pédocriminelle est également un axe prioritaire. Les contenus pornographiques banalisent les violences sexuelles et alimentent une haine misogyne qui influence les représentations de la sexualité chez les jeunes. La coalition appelle ainsi à rendre effective l’interdiction d’accès des mineur•es à ces contenus, à réprimer les violences en ligne et à faciliter la suppression rapide des vidéos de viols, d’incestes et de pédocriminalité sur les plateformes numériques.

Enfin, la protection des enfants occupe également une place centrale dans les revendications : En France, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes (2). La coalition réclame l’introduction d’une infraction spécifique pour l’inceste, l’imprescriptibilité de ces crimes, et la mise en place d’entretiens individuels annuels pour détecter les situations à risque. 

Cliquez ici pour plus d’informations sur la loi intégrale !

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/21/une-coalition-feministe-presente-140-mesures-pour-lutter-contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles_6406601_3224.html