La CLEF recrute un·e volontaire en service civique
9 juillet 2024COMMUNIQUE DE PRESSE 25/09/2024 – Gouvernement Barnier
25 septembre 2024Revue de presse féministe & internationale du 16 au 20 septembre
FRANCE
L’affaire dite “de Mazan” : la honte change de camp
Samedi 14 septembre 2024, des manifestations ont eu lieu partout en France en soutien à Gisèle Pélicot et à toutes les victimes de violences sexuelles.
Le 12 septembre 2020, Dominique Pélicot est arrêté dans un supermarché de Carpentras après avoir filmé sous les jupes de quatre clientes. Cet incident ne sera que le début d’une série de révélations, car les enquêteur·ices découvriront, après la saisie de son matériel informatique, une quantité importante de preuves criminelles sur son ordinateur. En effet, un dossier intitulé « Abus » contenait plus de 20 000 photos et vidéos pornographiques, organisées par date et accompagnées d’un prénom ou surnom. Cette saisie a révélé une affaire qui serait probablement restée cachée. Gisèle Pélicot, alors mariée et vivant avec Dominique Pélicot, a été violée par 72 hommes dans sa chambre alors qu’elle était dans un état comateux, après avoir été droguée à son insu avec des anxiolytiques par son mari. Dominique Pélicot recrutait des hommes sur internet pour faire violer sa femme, en leur imposant un rituel strict pour qu’elle ne se doute de rien. Les agresseurs devaient se garer sur le parking d’un collège à proximité, se déshabiller dans la cuisine, et se laver les mains à l’eau chaude pour éviter de la réveiller. Ils ne devaient ni porter de parfum ni sentir le tabac, afin de ne pas éveiller de soupçons. Le salon de discussion du « site de rencontre » sur lequel Dominique Pélicot recrutait les agresseurs s’intitulait « A son insu ». On sait également que Dominique Pélicot a dit lors d’un échange avec un interlocuteur sur le site « Tu es comme moi, tu aimes le mode viol ». De plus, parmi les agresseurs, l’un déclare « c’est sa femme, il fait ce qu’il veut avec sa femme », un autre « ce n’est pas un viol puisque c’est son mari qui proposait ».
Ce n’est qu’en 2020, au commissariat suite à l’arrestation de son mari, que Gisèle Pélicot découvre les atrocités qu’elle a subies, son mari ayant tout orchestré pour qu’elle ne se rende compte de rien pendant près d’une décennie. Elle qualifie ces images de « scènes de barbarie » et de « scènes d’horreur ». Les enquêteur·ices ont identifié environ 200 viols commis par Dominique Pélicot et les hommes qu’il recrutait entre juillet 2011 et octobre 2020.
Depuis début septembre, 51 hommes âgés de 30 à 74 ans sont jugés par la cour criminelle du Vaucluse. Gisèle Pélicot a refusé que son procès se tienne à huis clos, souhaitant ainsi que « la honte change de camp ». La médiatisation de ce procès contribue à déconstruire le « mythe du monstre » : le violeur n’est pas une figure monstrueuse, mais bien un être humain, membre de la société, issu de tout milieu socio-professionnel et de tout âge.
L’un des avocats de la défense a déclaré au micro des journalistes : « Il y a viol et viol. » « Il faut, pour qu’il y ait viol, que la démonstration soit faite de l’intention coupable de l’auteur. Si l’auteur s’est trompé, s’est mépris, la Cour de cassation dit toujours qu’il n’y a pas de viol. ». Rapidement, des expert·es et associations féministes ont vivement critiqué cette affirmation et se sont mobilisés en soutien à Gisèle Pélicot et à toutes les victimes de soumissions chimique et de violences sexuelles.
Sa fille, Caroline Darian, s’investit aujourd’hui activement dans la lutte contre la soumission chimique. Elle a fondé l’association « Ne m’endors pas, stop à la soumission chimique », parrainée par la députée Sandrine Josso. Cette dernière avait déposé plainte en 2023 contre le sénateur Joël Guerriau après avoir bu des coupes de champagne contenant de l’ecstasy à son domicile. L’association a pour mission de sensibiliser le public et de prévenir ces agressions invisibles, largement sous-estimées en France. 9 victimes sur 10 sont des femmes, et dans 70 % des cas, ces actes mènent à une agression sexuelle.
Bien que cette affaire ait déjà un fort retentissement en France, elle a également attiré l’attention de la presse internationale, qui s’est déplacée pour la couvrir. Une telle couverture médiatique pourrait permettre une sensibilisation à la question de la soumission chimique en vue de commettre un crime, tant au niveau national qu’international.
IRAN
Deux ans après le décès de Mahsa Amini, la résistance continue en Iran !
Depuis le dimanche 15 septembre, 34 femmes incarcérées, dont la Nobel de la paix Narges Mohammadi, sont en grève de la faim.
Le meurtre de Mahsa Amini le 16 septembre 2022 a marqué un tournant dans la mobilisation de la population iranienne. Elle a été arrêtée par la police des mœurs à Téhéran sous prétexte de ne pas respecter de manière correcte le port du voile et est décédée en garde à vue. Par la suite, un mouvement de contestation s’est organisé contre le pouvoir théocratique en place, qui prive la population de ses libertés fondamentales, en premier lieu les femmes. Les partisan·es de ce mouvement proposent une alternative au régime politique en place, avec des objectifs clairs, ayant pour slogan « femmes, vie, liberté ». Elles et iIls prônent la notion de liberté individuelle et politique contre la dictature. En effet, depuis la révolution islamique de 1979, la jurisprudence bafoue les droits et la dignité des femmes de manière systémiques. En Iran, les nombreus·es manifestant·es ayant protesté suite à la mort de Mahsa Amini ont fait face à une répression brutale qui a entraîné une centaine de mort·es et des milliers d’arrestations.
Deux ans après le début du mouvement, trente-quatre femmes incarcérées font une grève de la faim. Elles ont réussi à effectuer un enregistrement clandestin depuis le quartier des femmes de la prison d’Evin à Téhéran, qui a été communiqué à la presse par l’avocate Chirinne Ardakani. On les entend chanter le slogan « femme, vie, liberté ». Elles dénoncent également la violence du régime « les pendaisons sont la vengeance du pouvoir contre la révolte des femmes » « Nous sommes unies et déterminées jusqu’à ce que régime tyrannique et misogyne soit renversé » ; message d’autant plus puissant dans la mesure où, dans certaines conditions, les femmes iraniennes ne sont pas autorisées à chanter. Parmi elles, la Nobel de la paix Narges Mohammadi, incarcérée depuis novembre 2021, communique à la presse internationale ne pas avoir accès aux soins et ne pas avoir le droit de voir sa famille. Elle appelle la communauté internationale à sortir du silence et de l’inaction face à l’oppression des femmes en Iran. Elle a communiqué un texte pour appeler la communauté internationale à agir et réaffirmer la résilience de la contestation :
« A l’occasion du deuxième anniversaire du mouvement « femme, vie, liberté » nous renouvelons avec encore plus de force notre engagement pour la démocratie, la liberté et l’égalité et affirmons notre ferme résolution à vaincre le despotisme. »
« J’invite les Nations Unies à mettre fin à leur silence et leur inaction face à l’oppression et la discrimination des femmes par les dictatures religieuses en criminalisant l’apartheid sexuel car émanciper les femmes du cycle de l’oppression et de la discrimination consolidera les forces qui promeuvent la paix et la démocratie dans le monde. »
Du côté du pouvoir, deux ans jour pour jour après la mort de Mahsa Amini, l’actuel président Iranien, Massoud Pezeshkian, a tenu une conférence de presse. Il est revenu sur la question de la police des mœurs, qu’il avait promis de retirer des rues pendant sa campagne, il a déclaré lundi qu’il veillerait à ce que cette police ne « dérange » pas les femmes. Il a également promis un allègement des restrictions sur internet notamment sur les réseaux sociaux qui avaient été renforcées avec le mouvement de protestation en 2022. Malgré son désaccord avec les actions de la police des mœurs au moment du décès de Mahsa Amini, il n’y a pas eu de réel changement depuis son élection en juillet 2024. Cependant, le nouveau président est limité dans ses actions, car les institutions clés comme la justice, le Parlement, ainsi que d’autres centres de pouvoir, notamment les gardiens de la révolution (l’armée idéologique du pays), sont dominés par des forces conservatrices. Son arrivée au pouvoir n’a donc eu aucun incident sur la situation des personnes incarcéré-·es et n’a pas mis fin à la brutalité de la police des mœurs. Le 22 juillet 2024, une femme est devenue paraplégique après avoir reçu des coups de feu de la part de la police alors qu’elle était au volant de sa voiture.
https://news.un.org/fr/story/2023/03/1133052
GRECE
Reem Alsalem alerte le gouvernement grec sur les violations de droits humains dans sa législation sur la “gestation pour autrui”
La Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, Reem Alsalem, a publié une lettre à l’attention du gouvernement grec pour l’alerter sur sa législation nationale autour de la gestation pour autrui (GPA).
Pour rappel, la GPA consiste à recruter, avec ou sans rémunération, une femme pour vivre une grossesse et faire naître un ou plusieurs enfants, conçus ou non avec ses propres ovules, dans le but de les céder à une ou plusieurs personnes qui souhaitent être désignées comme les parents de ces enfants. En France, la GPA a été interdite par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain. Bien que la majorité des pays européens interdisent la gestation pour autrui, certains, comme le Danemark, les Pays-Bas, l’Albanie, la Géorgie et la Grèce, l’autorisent. À l’heure actuelle, l’Union européenne n’a pas de législation uniforme concernant la GPA.
En Grèce, c’est précisément la GPA dite « altruiste » qui est autorisée. Cela signifie que la mère porteuse ne peut pas recevoir de compensation financière, bien que le remboursement des frais liés à la grossesse soit autorisé. La publicité et l’intermédiation dans les accords de GPA ne sont également pas autorisés. La demande de GPA doit faire l’objet d’une évaluation judiciaire et une fois que les parties concernées, à savoir la mère et les parents commanditaires, ont conclu un accord, celui-ci doit être soumis à l’approbation du tribunal de première instance.
Reem Alsalem exprime ses inquiétudes concernant la législation grecque sur la GPA, soulignant que celle-ci se concentre principalement sur les droits des parents commanditaires au détriment des mères et des enfants. Des expert·es ont alerté sur la discrimination envers les filles et les femmes lorsque leurs corps sont loués ou achetés.
Dans le rapport, il est expliqué que la GPA présente des risques importants pour les droits et l’intégrité physique des filles et des femmes, avec un encadrement insuffisant et une absence de sanctions adéquates en cas de violations des droits humains. Les cliniques privées pratiquant la GPA sont mal contrôlées, malgré l’existence d’une autorité nationale compétente actuellement en difficulté financière. Elles sont accusées de plusieurs violations des droits humains incluant la diffusion non consentie d’examens médicaux, la réalisation de césariennes sans justification médicale et sans consentement, ainsi que l’utilisation de femmes comme donneuses d’ovules puis comme “mères porteuses” sans considération pour leur santé. De plus, ces cliniques ne fournissent pas suffisamment d’informations aux femmes concernées, les laissant sans contrôle sur leur grossesse.
Par ailleurs, il existe en Grèce un manque de mesures préventives contre la traite des êtres humains dans le cadre de la GPA. Ces réseaux de traite recrutent et exploitent des femmes financièrement vulnérables, souvent étrangères. Selon le droit international, la traite des personnes à des fins d’exploitation est interdite et le consentement de la victime n’est pas valable dans ce contexte. Les pratiques coercitives incluent le confinement des mères dans plusieurs maisons sous surveillance, avec des déplacements très limités. De plus, les cliniques ne fournissent pas d’informations sur les droits et risques liés à la grossesse donc il n’existe pas de données statistiques fiables et complètes.
En Grèce, plus de 60 % des mères porteuses sont des femmes étrangères, ce qui accentue les préoccupations liées à l’exploitation financière et aux réseaux de traite pour la GPA. Par ailleurs, le Comité des droits de l’enfant alerte sur le fait qu’actuellement, la législation grecque ne prend pas suffisamment en compte le droit de l’enfant à connaître ses origines et les risques de marchandisation et de traite des enfants.
Cliquez ici pour lire le rapport de la Rapporteuse spéciale !
AFGHANISTAN, IRAN
Afghanistan, Iran : une mobilisation pour reconnaître l’apartheid sexuel comme crime contre l’humanité
Arrivés au pouvoir il y a trois ans, les talibans ont progressivement instauré un effacement des femmes, restreignant leur accès à l’espace public. Elles sont interdites de parcs, de salles de sport, d’hammams, mais aussi d’écoles et d’universités, ce qui exacerbe les inégalités et les empêche d’accéder à une autonomie financière. Cela les expose davantage au mariage forcé et aux violences domestiques. Ces mesures ont également supprimé de nombreux emplois, comme les 60 000 postes de femmes dans les salons de beauté.
Le 22 août 2024, une nouvelle loi a été adoptée par les talibans. Elle franchit un cap supplémentaire en effaçant méthodiquement les femmes de la sphère publique, interdisant désormais qu’elles puissent parler, chanter ou lire à voix haute. Cette loi, promulguée sous prétexte de « promouvoir la vertu et prévenir le vice », impose aux femmes de couvrir entièrement leur corps et leur visage en présence d’hommes extérieurs à leur famille, afin de « prévenir la tentation ».
La situation en Iran et en Afghanistan actuellement amène à la multiplication d’appels à reconnaître l’apartheid sexuel : ces régimes réduisent les femmes au silence et les privent de leurs droits les plus fondamentaux.
Shirin Ebadi, avocate, explique que certains pays à l’instar de l’Iran et de l’Afghanistan mettent en place un « apartheid sexuel » (gender apartheid). Elle fait elle-même partie des signataires d’une pétition pour permettre l’adoption d’un traité qui considérerait ces actes comme un crime contre l’humanité : ce qui reviendrait à appliquer la définition de l’apartheid, mais en substituant le terme « race » par « sexe ». En effet, des négociations à l’ONU sont sur le point de reprendre qui permettraient de reconnaître l’apartheid fondé sur le sexe comme un crime contre l’humanité. Toutefois, des pays comme la Russie et la Chine s’y opposent fermement.
En 2023, en réaction à la situation en Afghanistan, Sima Bahous, directrice exécutive d’ONU Femmes, a appelé les États membres à soutenir un processus intergouvernemental visant à inscrire l’apartheid sexuel dans le droit international. Pour que l’apartheid sexuel soit officiellement reconnu dans le droit international, la Convention doit être modifiée. En effet, la Convention stipule qu’un pays signataire peut adresser une lettre au Secrétai re général des Nations unies pour demander l’ajout du terme « sexe ». Shirin Ebadi a donc sollicité certains des pays signataires dont la France pour intervenir. Pour l’instant aucun pays ne s’est prononcé mais si cette modification est adoptée, des régimes tels que les talibans ou celui de la République islamique d’Iran pourront être jugés pour crime contre l’humanité.