Revue de presse féministe & internationale du 2 au 9 juin
9 juin 2023Revue de presse féministe & internationale du 16 au 23 juin
23 juin 2023Revue de presse féministe & internationale du 09 au 16 juin
IRAN
Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi jugées pour « atteinte à la sûreté nationale » en dévoilant la mort de Mahsa Amini.
Leur nom : Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi. Il s’agit des deux journalistes qui ont révélé la mort de Mahsa Amini, battue à mort par la police des moeurs en raison de cheveux dépassant de son voile.
Elles encourent la peine de mort, accusées d’atteinte à la sécurité nationale et de propagande contre l’Etat. Les deux journalistes ont passé plus de 8 mois dans la prison de Gharchak-Varamin avant de comparaître, et n’ont eu connaissance des accusations qui étaient portées à leur encontre seulement quelques jours avant leur comparution.
Tout a commencé quand Niloufar Hamedi, journaliste qui couvre les droits des femmes au journal Shargh, a été informée de l’histoire d’une jeune femme de 22 ans souffrante sur un lit d’hôpital après avoir été arrêtée et tabassée par la police des moeurs. Le 16 septembre 2022, elle se rend sur place, rencontre la famille, prend une photo, et la publie sur Twitter. Le jour même, la jeune femme, Mahsa Amini, meurt. Le lendemain, Niloufar Hamedi est arrêtée par la police.
Elaheh Mohammadi, journaliste pour le journal Ham Miham, avait voyagé dans le village d’enfance de Mahsa Amini pour couvrir ses funérailles. Point de départ de la révolte générale et l’émergence du slogan “Femmes, Vie, Liberté”, elle a aussi été arrêtée par la police.
Le procès s’est tenu à huis clos dans le tribunal révolutionnaire. Il est présidé par Abulghasem Salavati, qui avait été sanctionné par les autorités états-uniennes pour violation des droits humains et d’expression en Iran, et connu pour mener des procès inéquitables. De fait, les avocats des deux journalistes n’ont pas été autorisés à parler en leur défense.
Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi, des noms peu connus mais pourtant protégés par une vague de soutien national et international ; elles ont même été considérées par le Times comme faisant partie des 100 personnes les plus influentes de 2022. Un élan de soutien a également émergé de la part de 500 journalistes iranien·nes, qui dénoncent l’emprisonnement et la comparution de Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi comme symptomatiques des attaques contre le journalisme professionnel de la part du gouvernement iranien. Ainsi, il s’agit du procès de deux journalistes qui ont simplement fait leur travail, mais également le procès de la liberté en Iran.
La suite des deux procès sont reportés à une date ultérieure, pas encore définie.
Franceinfo, « Iran : les deux journalistes qui ont révélé la mort de Mahsa Amini jugées pour « atteinte à la sûreté nationale« , 13 juin 2023.
CSDHI, « Procès des journalistes Niloofar Hamedi et Elaheh Mohammadi devant le tribunal révolutionnaire« , 09 juin 2023.
The New York Times, « Their Reports About a Woman’s Death Set Off a Revolt. Iran Put Them on Trial« , 11 juin 2023.
FRANCE
Plainte contre les algorithmes de Facebook relatifs à la recherche d’emploi.
Ce lundi, tois associations françaises ont porté plainte contre Meta, contre les algorithmes de Facebook jugés discriminants et sexistes, spécifiquement dans la page « recherche d’emploi ». La Fondation des Femmes, l’association Femmes Ingénieures et l’ONG Global Witness ont donc unies forces et expertises pour exiger davantage de transparence de la part de Meta d’une part, et pour alerter sur les biais sexistes algorithmiques d’autre part.
Pour fonder leur accusation, l’ONG Global Witness a payé le service de Facebook permettant de publier des offres d’emplois. Le résultat est accablant : en France, 94% des personnes qui ont vu l’offre d’emploi relative à un poste de mécanicien·ne sont des hommes, 93% des personnes qui ont vu l’offre d’emploi pour le poste de maître·sse d’école sont des femmes. Enfin, 84% d’hommes ont vu l’offre d’emploi “pilote” et 86% de femmes “psychologue”. En bref, les métiers d’accompagnement et liés à l’enfance pour les femmes et les métiers à responsabilité et liés à la mécanique pour les hommes. Pourtant, l’ONG avait seulement demandé à ce que les offres ciblent les personnes résidant ou ayant récemment résidé dans le pays, sans aucunement spécifier une préférence pour un sexe ou l’autre.
L’algorithme de Facebook a donc lui-même opté pour montrer telle ou telle annonce aux hommes ou aux femmes, contribuant à la réplication et à l’amplification des clichés sexistes et freinant les objectifs de mixité professionnelle. Les résultats étant particulièrement alarmants dans le cas des Pays-Bas et de la France, l’ONG s’est entourée d’associations nationales pour alerter le Dutch Institute for Human Rights et la Défenseure des droits française afin que ces derniers enquêtent de possibles violations des droits humains et/ou des lois de régulation numériques.
Caroline Leroy-Blainville, juriste à la force juridique de la Fondation des Femmes, dénonce également des discriminations intersectionnelles : elle explique qu’en France, la plateforme de recherche d’emploi de Facebook est surtout utilisée par des personnes à bas revenus. Les personnes les plus touchées par les algorithmes discriminants de Facebook seraient des personnes qui sont, de facto, déjà marginalisées.
Ces alertes ne sont pas les premières du genre ; depuis plusieurs années maintenant, les associations de défense des droits des femmes et de l’égalité alertent sur la surreprésentation des hommes dans les métiers de la tech. Les algorithmes de Facebook sont donc en majorité inventés et codés par des hommes. Par ailleurs, la question des biais algorithmiques sur les plateformes numériques de recherche d’emploi devient urgente étant donné que les entreprises favorisent de plus en plus ces plateformes pour leurs recrutements.
CNN, « People are missing out on job opportunities on Facebook because of gender, research suggest« , 12 juin 2023.
Le Parisien, « Trois associations portent plainte contre Facebook pour discrimination sexiste : l’algorithme dans le viseur« , 12 juin 2023.
Global Witness, « New evidence of Facebook’s sexist algorithm«
SOUDAN DU SUD
Le Soudan du Sud ratifie le protocole de Maputo, gage d’efforts considérables pour le droit des femmes dans le pays
Après des années à repousser la ratification, le Président du Soudan du Sud, Salva Kiir (Président depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011), ratifie enfin le protocole de Maputo.
Le protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, aussi connu sous le nom de Protocole de Maputo, est un protocole international enjoignant les pays signataires à garantir les droits des femmes, notamment leur participation politique pleine et entière, la fin des MGF… Le protocole a été signé en 2003 dans la ville de Maputo au Mozambique ; en novembre 2005, il avait été ratifié par 15 pays membres de l’Union Africaine, faisant de lui le protocole le plus rapidement mis en œuvre de l’histoire de l’UA.
Le Protocole de Maputo se positionne clairement contre le mariage des jeunes filles, instituant que l’âge légal pour se marier doit être à 18 ans (article 6). Il interdit les mutilations génitales féminines (article 5). Le divorce ou la séparation doit pouvoir être prononcé par le mari ou l’épouse (article 7). Il requiert également une représentation équitable des femmes dans les instances judiciaires ou chargées de faire appliquer la loi (article 8), dans le processus électif (article 9), aux mécanismes et processus de paix (article 10)… Ces quelques exemples illustrent à quel point le Protocole de Maputo peut être un outil juridique puissant et protecteur pour les droits des femmes vivant sur le territoire de l’Union Africaine ; mais seulement si les pays mettent ensuite en œuvre des politiques volontaristes, ambitieuses et durables.
En effet, bien que la ratification par le Soudan du Sud témoigne d’une volonté politique vers l’égalité et la protection des droits des femmes, les réels efforts doivent ensuite s’effectuer concrètement ; dans les politiques publiques, l’actualisation de la législation nationale et dans la possibilité de renverser l’ordre genré qui structure la société sud-saoudienne. Human Rights Watch alerte sur le fait que la loi sud-saoudienne ne statue pour le moment pas sur un âge minimal pour se marier, l’impunité régnant sur les auteurs de violences conjugales et sur la non-criminalisation du viol marital. En effet, le Soudan du Sud avait montré de nombreuses réticences à la ratification du Protocole relativement à l’interdiction de la polygamie ou encore à l’accès à l’IVG.
Considéré comme “le plus jeune état du monde”, le Soudan du Sud possède peu d’infrastructures et un régime politique instable. Bien qu’un accord de paix ait été signé en 2018, de nombreux programmes de paix n’ont toujours pas été implantés, notamment ceux spécifiquement dédiés aux femmes. En 2021, 8 millions de personnes souffrent de malnutrition aiguë dans cette région. La même année, il est classé dernier pays du monde en termes d’indice de développement humain (IDH) par le Programme des Nations Unies. Ainsi, le Soudan du Sud fait face à des défis spécifiques quant à la mise en oeuvre du Protocole de Maputo ; est nécessaire une ambition politique forte dans un régime politique instable, des actions progressistes dans un pays où l’ordre genré est traditionnellement admis, le tout dans un pays en reconstruction vers la paix. Il reste maintenant le long mais nécessaire chemin vers la paix durable et positive au Soudan du Sud.
Human rights watch, « South Sudan Ratifies Crucial African Women’s Rights Treaty« , 08 juin 2023
Hortense est une femme congolaise, handicapée, diplômée en économie mais avant tout une grande activiste.
Hortense Kavuo Maliro nait dans le Nord-Kivu, région emprunte de conflits. Elle fonde l’AISHP (Association pour l’Intégration Sociale des Handicapés Physiques), elle promeut également l’école We Are The World School, une école abritant des enfants victimes des violences de la guerre dans le Nord-Kivu.
A l’occasion des futures élections présidentielles de la République Démocratique du Congo qui se tiendront en décembre 2023, Hortense Kavuo Maliro a annoncé qu’elle se portait candidate. Elle affirme “ce n’est pas parce que je suis femme, ou que je suis une personne handicapée, que je vais me laisser faire », elle veut montrer que « la participation à la gestion de la nation concerne tout le monde ». La candidate se présente comme indépendante, elle n’a pas encore de programme défini, mais a tout de même illustré son intérêt pour les ressources géologiques dont l’exploitation pourrait permettre l’essor économique du pays.
Hortense Kavuo Maliro milite pour la paix, les droits des femmes et des personnes vulnérables. Elle met en avant l’importance de la participation féminine à l’action publique. Ancienne conseillère au cabinet du ministre des Affaires Sociales, elle se présente une première fois aux élections législatives en 2011.
Hortense Kavuo Maliro démontre que malgré son handicap, rien ne sera un obstacle à son militantisme.
La Croix, « Femme, handicapée et candidate à la présidentielle en RDC« , 09 juin 2023.
Hendicap.fr, « Congo : Femme, handicapée et candidate à la présidentielle« , 13 juin 2023.
Elearning Africa, Hortense Kavuo Maliro
Le film L’amour et les fôrets, réalisé par Valérie Donzelli, inspiré du roman éponyme d’Eric Reinhardt, raconte l’histoire de Blanche professeure de français normande. Elle rencontre Grégoire et tout va très vite entre eux, elle est emportée dans cette histoire, elle change de vie, déménage, s’éloigne de sa famille, pour suivre cet homme dont elle est follement amoureuse. Leur relation idyllique au départ se transforme assez rapidement en une relation d’emprise, marquée par les violences psychologiques d’un mari envers sa femme. Le film nous plonge dans l’intimité de ce couple, en expose les mécanismes. On voit la façon dont Blanche perd son autonomie et son libre arbitre, on voit comme l’emprise passe par quelque chose de non-consenti qui va progressivement vers des violences physiques.
Virginie Efira, qui tient le premier rôle, salue l’initiative du film de représenter au cinéma cette relation d’emprise, afin de sortir d’une zone d’invisibilité et du mensonge de la rhétorique du “crime passionnel”. Elle insiste sur l’importance du terme féminicide tout en soulignant qu’il faut continuer à voir ce type de relations comme le continuum de violences faites aux femmes.
Eric Reinhardt écrit ce roman après avoir recueilli plusieurs témoignages de femmes victimes de “harcèlement conjugal” (terme employé par l’auteur) et de relation d’emprise, toutefois il commence la rédaction de son roman après avoir rencontré la sœur d’une victime, qui s’est laissée mourir au fil des années. Il décide donc de partager à sa façon les témoignages de ces nombreuses femmes qui se sont confiées à lui, se sentant investi par leur parcours.
En s’appropriant le roman d’Eric Reinhardt, Valérie Donzelli a cherché à réellement décortiquer comment l’emprise s’installe, comment un homme peut briser l’estime de soi d’une femme. Avec ce film, elle choisit de mettre la lumière sur ces femmes victimes de violences, que nous connaissons tous.tes.
Pour en apprendre plus vous pouvez regarder la rediffusion de notre mardi de la CLEF sur le continuum de violences des violences ordinaires jusqu’au féminicide : « On ne naît pas femme mais on en meurt«