Replay Mardi de la CLEF #38 : Comprendre le débat sur la notion de consentement dans la définition pénale du viol
14 janvier 2025COMMUNIQUE DE PRESSE 20/01/2025 – La Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF) ne publiera plus sur X : voici pourquoi
20 janvier 2025Revue de presse féministe & internationale du 13 au 17 janvier
FRANCE
La loi Veil, on y veille, 50 ans après !
Ce vendredi 17 janvier marque le 50ᵉ anniversaire de la loi ayant légalisé l’avortement en France. Cette législation représente un véritable tournant dans une époque où les revendications des femmes peinaient à être entendues. La loi Veil ne se distingue pas uniquement parce qu’elle a permis d’accomplir au fil du temps, mais aussi pour ce qu’elle a contribué à éradiquer : des années de souffrance, de risques mortels intrinsèques aux pratiques abortives clandestines.
Il serait toutefois malvenu de penser que cette loi, au moment de sa promulgation, ait résolu tous les problèmes. En effet, cette loi, initialement votée comme expérimentale pour une durée de 5 ans, était restrictive. Néanmoins, son évolution au cours des cinquante dernières années est remarquable. Si en 1975, elle n’avait été que timidement légalisée sous l’égide de conditions très restrictives, elle est aujourd’hui érigée au rang constitutionnel et reconnue comme un droit fondamental pour les femmes.
Nous célébrons de ce fait, 50 ans d’évolution notoire pour les droits reproductifs des femmes, 50 ans d’avancées législatives et de combats politiques aguerris, 50 ans pour faire de cette permission rigide, un droit fondamental.
Voici un bref rappel chronologique de cette loi et de son évolution, afin de mieux comprendre les raisons profondes de cette célébration !
L’AVANT LOI VEIL
Le code pénal de 1810
L’édit de 1556, marque les prémices de la diabolisation des pratiques abortives dans le code pénal, qui fut concrétisée véritablement dans le code pénal de 1810, au sein de l’article 317 qui énonçait :
« Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen aura procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans, et d’une amende de 1.800 F à 100.000 F. »
Le Code de Napoléon fait ainsi de l’avortement un crime, jugé par une Cour d’assises.
Apparait par la suite, la loi du 31 juillet 1920 qui viendra réprimer, de manière sévère, la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle, laquelle sera très longtemps conservée dans notre code pénal.
La fin de la Première Guerre mondiale donna lieu à une politique nataliste, exacerbant la répression de l’IVG et opprimant l’indépendance des femmes à disposer de leurs corps.
À savoir : En 1920, l’Union soviétique de Lénine devient le premier pays à avoir légalisé l’avortement..
La correctionnalisation de l’IVG
En 1923, l’IVG est finalement correctionnalisée :n’étant plus un crime, mais un délit, jugé par une Cour correctionnelle. Cette correctionnalisation semblait offrir un assouplissement, mais elle ne visait en réalité qu’à pallier l’indulgence des juges en Cour d’assises.
La répression du régime Vichy : Loi 15 février 1942
Avec la répression du régime Vichy, rien n’arrangea l’accès à l’IVG, la politique nataliste étant à son apogée, l’avortement devient un crime contre l’Etat, passible de la peine capitale. Cette période fut l’une des plus répressives pour les droits reproductifs des femmes. Marie-Louise Giraud, militante féministe, fut guillotinée en 1942 pour avoir pratiqué clandestinement l’avortement sur 27 femmes.
Cette loi sera abrogée à la libération, mais l’avortement restera illégal sous le joug de l’article 317.
Une première avancée : La Loi Neuwirth de 1967
Cette loi, marque un premier tournant législatif important, proposée par le député de gauche Lucien Neuwirth (« pilule Lulu ») et portée par le mouvement La Maternité Heureuse, dont Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé est la figure de proue, va permettre de légaliser l’accès à la contraception.
Les années 70 : La libération des femmes
Le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), réclamant la libre disposition du corps des femmes, fut accompagné d’une lutte acharnée, symbolisée par le Manifeste des 343 salopes (un appel signé par des femmes ayant avorté, y compris des personnalités publiques). Cette lutte engagée fut le début de la révolution féministe et les prémices ayant abouti à la loi de 1975.
Le procès de Procès de Bobigny en 1972 et Gisèle Halimi : L’avortement d’un viol
Si Simone Veil est une figure féministe incontestable, l’avocate Gisèle Halimi l’est tout autant, son combat féministe inflexible au sein des tribunaux, qu’elle transformait en véritable tribune politique a été déterminant dans l’adoption de la loi de 1975. Gisèle Halimi s’est battue pour dénoncer l’iniquité de la loi et faire avancer la dépénalisation de l’avortement, qui plus est lorsqu’il était commis à l’occasion d’un viol.
L’ADOPTION DE LA LOI VEIL
En défendant son projet de loi devant une assemblée agitée et majoritairement masculine, Simone Veil parvient le 17 janvier 1975 a faire adopter la loi légalisant l’IVG.
L’anatomie d’une loi :
Il est essentiel de saisir les limites de cette loi au moment de son adoption. Bien que le combat ait été en grande partie remporté, il ne l’a été que partiellement, car les restrictions imposées étaient alors particulièrement sévères.
- Le délai permettant d’avorter ne pouvait dépasser 10 semaines.
- L’IVG devait être pratiquée par un médecin dans un établissement public d’hospitalisation ou privé sous certaines conditions.
- L’avortement ne pouvait être envisagé que si la femme se trouvait dans une situation de détresse, condition unique permettant d’y recourir.
- Le médecin avait lui aussi plusieurs obligations tenant à cet acte :
- Informer des risques médiaux à la femme pratiquant l’IVG et notamment sur ses maternités futures
- Remettre un « livret-guide », lequel relatait les aides et avantages dont la femme, aurait pu bénéficier si elle décidait de ne plus avorter. Notamment, les possibilités d’adoption de l’enfant à naître non désiré. Des organismes et adresses y étaient également listés.
- La femme devait obligatoirement se rendre dans un organisme spécialisé, où elle recevait une attestation de consultation. Cette consultation comprenait un entretien, accompagné d’une assistance et de conseils.
- Le médecin devait également demander une confirmation écrite à la femme qui souhaitait avorter.
- La femme avait lors 7 jours pour confirmer son souhait depuis sa première demande.
- L’établissement pratiquant l’IVG devait s’assurer que la femme ait rempli chaque formalité et qu’elle détenait les attestations requises.
- Si la femme était mineure, elle devait avoir l’accord de ses parents.
- Si la femme était étrangère, elle ne pouvait avorter que si les conditions tenant à sa résidence étaient à jour.
- L’IVG pratiquée faisait l’objet d’une déclaration établie par le médecin.
- La provocation, publicité, propagande relatives à l’IVG étaient toujours prohibées.
- Il était précisé qu’en aucun cas l’IVG constitue un moyen de régulation des naissances.
Mesures du code de la santé publique :
- Deux médecins devaient attester après examen et discussion que la suite de la grossesse met en péril la santé physique ou mentale de la femme ou celle de l’enfant à naître
- Un des deux médecins devait exercer son activité dans un établissement d’hospitalisation public et l’autre doit être inscrit comme expert auprès de la Cour de cassation ou auprès d’une Cour d’appel.
- Pour les établissements privés (article L176), il ne fallait pas que le nombre d’IVG ait dépassé le quart du total d’actes chirurgicaux et obstétricaux. S’il venait à le dépasser, il serait fermé pour une période d’1 an et la fermeture serait définitive en cas de récidive.
Cette loi, bien qu’historiquement libératrice, se révélait paradoxalement très restrictive dans la pratique, ce qui conduisit à la persistance d’un grand nombre d’avortements clandestins pendant de nombreuses années.
L’APRÈS LOI VEIL
1979 : La loi Veil qui n’était prévue que pour une période d’essai de 5 ans, est adoptée de manière définitive.
1982 : L’IVG est remboursée (en partie) par la sécurité sociale.
1993 : Création du délit d’entrave à l’IVG, permettant de lutter contre la prolifération des « commandos anti-IVG ».
1999 : La pilule du lendemain est possible sans prescription.
2001 : Allongement du délai de recours à 12 semaines, suppression de l’autorisation parentale pour les mineures et modification de « livre-guide ».
2012 : L’IVG est remboursée à 100% par la sécurité sociale.
2014 : La notion de « détresse » est supprimée de la loi (bien que plus requise en pratique ).
2016 : Suppression du délai de réflexion de 7 jours et autorisation des sages-femmes à pratiquer l’IVG médicamenteuse.
2022 : Allongement du délai légal de 12 semaines porté à 14 semaines et possibilité d’une IVG médicamenteuse prescrite par télé-consultation.
2024 : Constitutionnalisation de l’IVG.
De la loi Veil à la Constitutionnalisation de l’IVG, ces 50 dernières années ont constitué un tournant décisif pour le droit des femmes à disposer de leur corps. La France s’est ainsi érigée en précurseure d’une meilleure protection de l’avortement, offrant un modèle de progrès pour d’autres nations en matière de droits reproductifs. Ces évolutions témoignent d’un combat acharné porté par les militantes féministes, les politiques, et la société elle-même, et démontre l’importance de continuer le combat afin de prévenir les menaces qui pourraient encore survenir, qui plus est au regard de l’actualité internationale, notamment aux Etats Unis.
info.gouv.fr https://www.info.gouv.fr › ivg-la-conquete-dun-droit
https://www.vie-publique.fr/dossier/296729-loi-veil-autorisant-livg-50-ans-du-droit-lavortement
https://www.youtube.com/watch?v=3xiPNxMXhik
http://media.aclj.org/pdf/ECLJ-5.-La-deconstruction-de-la-loi-Veil.pdf
PAKISTAN
Sommet sur l’accès à l’éducation des filles : Malala Yousafzai dénonce un “apartheid basé sur le sexe” des Talibans
Le 11 et 12 janvier 2025, s’est tenu à Islamabad, capitale du Pakistan, un sommet international portant sur l’accès à l’éducation des filles, notamment au sein des communautés musulmanes, une quarantaine de pays musulmans y ont donc participé, à l’exception de l’Afghanistan.
Lors de ce sommet, la présence de Malala Yousafzai revêt une forte portée symbolique. Militante féministe pakistanaise et lauréate du prix Nobel de la paix à seulement 17 ans, Malala Yousafzai est une figure pour le combat des femmes pakistanaises. Son retour au Pakistan est particulièrement significatif, puisqu’elle avait été contrainte de s’exiler au Royaume-Uni en 2012, après avoir survécu à une tentative d’assassinat perpétrée par des talibans pakistanais, notamment en raison de son blog et de son militantisme pour une meilleure éducation des filles au Pakistan.
Le combat de Malala Yousafzai revêt une importance cruciale pour les droits des femmes dans le monde, l’accès fortement inégalitaire des filles à l’éducation est un enjeu majeur, notamment dans les communautés musulmanes où des dizaines de millions de filles en sont privées. À travers le monde, on compte 122 millions de filles non-scolarisées (UNESCO).
Pourtant, si dans les communautés musulmanes, les filles sont moins nombreuses à pouvoir aller à l’école, elles excellent bien mieux que les garçons lorsqu’elles peuvent y aller. Le journal Courrier International relate que 63 % des filles ont eu leur bac contre 37% pour les garçons.
Le sommet a donc été l’occasion pour la militante de s’exprimer sur cette problématique, en dénonçant notamment la situation alarmante des femmes Afghanes. Elle reprendra d’ailleurs dans son discours au sommet d’Islamabad, l’expression utilisée par l’ONU, qualifiant cette réalité d’« apartheid basée sur le sexe », notamment pour alerter sur l’extrême gravité des discriminations dont elles sont victimes.
Malala Yousafzai rappelle inflexiblement que :
« Leur cruauté ne connaît pas de limites. Pour le dire simplement, les Talibans ne considèrent pas les femmes comme des êtres humains. Ils dissimulent leurs crimes sous couvert de justifications culturelles et religieuses » et rappelle qu’ une génération entière de filles sera privée de son avenir. »
La privation d’accès à l’éducation des filles aura de profondes répercussions sur leur émancipation économique et sociale et sur la jouissance de leurs droits fondamentaux.
C’est dans ce contexte que le combat de Malala Yousafzai revêt d’une importance cruciale, l’éducation est inhérente à l’émancipation et l’autonomisation et conséquemment à la liberté des femmes.
Bien que le sommet s’est conclu sur la Déclaration d’Islamabad sur l’éducation des filles, marquant une avancée notoire pour les Organisations mondiales islamiques, l’absence de l’Afghanistan et la perpétration de crimes contres les femmes dans ces pays demeurent très inquiétants pour le futur.
Mohamed Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, a souligné à juste titre que « Ceux qui disent que l’éducation des filles ne correspond pas à l’islam se trompent ».
La société civile féministe nourrit l’espoir que les législations et mœurs évolueront davantage, afin que le monde entier comprenne que l’égalité entre les femmes et les hommes peut s’accomplir dans toutes les religions.
SENEGAL et TCHAD
Mouvement féministe contre les violences faites aux enfants
Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, une adolescente, Souadou Sow, a été étranglée par le père de son amie, El Hadj Modou Fall. L’homme est accusé d’avoir tenté de la violer et a reconnu l’avoir tuée. L’accusé a tout de suite reconnu le meurtre devant le procureur mais nie la tentative de viol.
Des associations telles que la CNDH (Commission nationale des droits de l’homme) ont rappelé l’importance de protéger les enfants des violences :
“Ce que nous demandons à l’État, c’est un renforcement des mécanismes de protection des enfants et une mobilisation citoyenne”
Professeure Amsatou Sow Sidibé, présidente de la CNDH au Sénégal.
C’est le deuxième meurtre d’enfant médiatisé en une période de 10 jours. En effet, un jeune talibé a été battu à mort par son maître coranique. Les talibés sont des jeunes garçons âgés de 4 à 18 ans, qui vivent sous la tutelle d’un maître coranique.
Des militantes féministes se sont également emparées du sujet pour organiser une marche contre les violences faites aux enfants et les violences sexuelles. Parmi elles, la militante Aissatou Sow Thiam, qui a participé à la marche, a affirmé la nécessité de lever le tabou autour des violences sexuelles dans le pays :
“Des fois, tu vois un cousin qui viole sa cousine. Après, on dit que c’est une affaire de famille. On laisse tomber, alors qu’on doit exposer ça. Quand on expose ça, ça ne va plus se reproduire la prochaine fois.”
En effet, selon l’OMS, 27% des femmes sénégalaises ont subi des violences sexuelles entre leur 15 et 49 ans. On peut supposer que ce chiffre est sous-évalué. La culture du viol dans le pays est entretenu par des décisions prises mais qui font face à des obstacles comme la loi 2020-05 du 10 janvier 2020 qui criminalise le viol et la pédocrminalité mais qui n’est que peu connue de la population En effet, avant cette loi le viol n’était considéré que comme un délit. De plus, les juges ont, depuis cette loi, accès à des enquêtes plus approfondies notamment grâce au test ADN. Toutefois, aucun suivi n’a été prévu pour les victimes.
Enfin, les Sénégalaises restent peu optimistes comme en témoigne le résultat du sondage réalisé par le collectif des Féministes du Sénégal sur le réseau social X. La question étant “Est ce que la DPG [Déclaration de Politique Générale] du Premier ministre a pris en compte les problématiques des femmes sénégalaises ?”. 56,1% estiment que non et seulement 26,8% estiment que si, 17,1% sont mitigés.
Tous ces éléments montrent que malgré certaines avancées juridiques, les violences faites aux enfants et aux femmes persistent et doivent continuer à être combattues dans le pays.
Au même moment au Tchad, dans la nuit du Nouvel an, une adolescente de 17 ans a été violée par plusieurs hommes sur le chemin du retour du festival Dari. Le viol collectif d’une personne mineure à la sortie d’un festival a suscité de vives réactions de la part des associations féministes tchadiennes. La Ligue tchadienne des droits des femmes (LTDF) a organisé un sit-in à quelques mètres du festival et les associations féministes du pays se sont mobilisées sur les réseaux sociaux pour dénoncer ce crime.
Menody Trésor, responsable des affaires juridiques de la LTDF :
« Nous sommes dans un pays de droit et la sécurité doit faire son travail. Le ministère de la Sécurité doit faire son travail. Mais pourquoi dire que la femme n’a pas le droit de venir se promener à une heure pareille ? Donc il faudrait que les autorités en charge de la sécurité prennent leurs dispositions. Il faudrait aussi que le ministère de la Femme fasse un travail pour pouvoir protéger ces femmes. »