COMMUNIQUE DE PRESSE 20/12/2024 – Procès des violeurs de Mazan : Un verdict mitigé symptomatique d’un système défaillant
20 décembre 2024Revue de presse féministe & internationale du 6 au 10 janvier
10 janvier 2025Revue de presse féministe & internationale du 23 décembre au 3 janvier
FRANCE
Un nouveau gouvernement… Pas si nouveau
Les fêtes de fin d’année 2024 ont été marquées par l’annonce du gouvernement par le Premier ministre récemment nommé, François Bayrou. Alors que le gouvernement Barnier qui l’a précédé n’avait concédé qu’un petit Secrétariat d’Etat pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes avec peu de moyens et de ressources, le gouvernement Bayrou donne une place plus importante à la lutte pour l’égalité femmes-hommes en remettant en place un Ministère délégué au Premier ministre. Aurore Bergé, déjà ministre plus tôt dans l’année, a été renommée à la tête de ce ministère.
Ce qui n’est pas passé inaperçu cependant, c’est bien la re-nomination de Gérald Darmanin au poste de ministre de la Justice. Pour rappel, Gérald Darmanin a occupé la fonction de ministre de l’Intérieur pendant plusieurs années lors de précédents gouvernements. Lors de cette annonce, les militant·es et associations féministes ont dénoncé sa nomination à peine une semaine après le verdict dans le procès de Mazan, même procès qui a été considéré par nombre de médias comme un tournant dans la lutte contre les violence sexuelles et l’impunité des agresseurs. En effet, Gérald Darmanin lui même étant accusé de viol depuis 2017 par une femme pour des faits commis en 2009. En février de cette année, après moult allers retours judiciaires, la Cour de cassation a refusé le pourvoi demandé par la victime, représentée par l’avocate Elodie Tuaillon Hibon. Cela signifie que la Cour de cassation a confirmé le non-lieu décidé par le juge d’instruction saisi. Quelques jours après sa nomination au poste de ministre de la Justice, ce dernier s’est dit favorable à “tout ce qui permettra de protéger davantage les femmes”. L’observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique a décrit le choix de Darmanin à la Justice comme une “déconnexion terrible et affligeante”.
Par ailleurs, le ministère des Droits des femmes, bien qu’il a le mérite d’exister, n’est toujours pas un ministère de plein exercice. En effet, il est rattaché au Premier ministre, d’où l’appellation de “ministère délégué”. Le gouvernement Bayrou est d’apparence plus que paritaire puisqu’il est composé de 18 femmes et de 17 hommes. Toutefois, seulement 6 femmes occupent un poste de ministre de plein exercice, contre 14 hommes.
CÔTE D’IVOIRE
La lutte contre les féminicides au cœur de la mobilisation féministe
Ce mois de décembre a été marqué par les 16 Days of Activism (16 jours de mobilisation en français), une campagne des Nations Unies créée en 1991 pour sensibiliser et lutter contre les violences faites aux femmes. Cet événement annuel se déroule du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, au 10 décembre, Journée internationale des droits humains.
En Côte d’Ivoire, la campagne s’est clôturée par une grande manifestation à Abidjan, le samedi 14 décembre. Les associations féministes ivoiriennes y ont exprimé de nombreuses revendications, notamment une meilleure reconnaissance des féminicides par la justice et l’intégration officielle du terme dans la loi.
Une étude réalisée par les Citoyen·nes pour la Promotion et Défense des Droits des Enfants, Femmes et Minorités (CPDEFM) a révélé qu’en 2020, plus de 416 femmes ont été tuées dans seulement six communes du district d’Abidjan. Ces féminicides, loin d’être des cas isolés, sont les symptômes d’une violence systémique profondément enracinée dans les structures sociales et institutionnelles du pays.
Les associations réclament également la publication régulière de statistiques sur les violences faites aux femmes. Les statistiques sont essentielles, car elles permettent de mesurer l’ampleur du phénomène, d’identifier les besoins et de mieux accompagner les victimes.
« Même si on n’était que deux, on marcherait. L’essentiel est de pouvoir faire entendre notre voix et la voix de celles qui n’en ont plus. On demande que le féminicide soit intégré dans le cadre légal. Le fait de voir des femmes qui sont tuées parce qu’elles sont des femmes, c’est un féminicide et il faut le nommer. Comment peut-on lutter contre quelque chose qu’on ne nomme pas ? »
Meganne Boho, présidente de la Ligue ivoirienne pour les droits des femmes.
Dans le cadre des 16 jours de mobilisation, la Ligue ivoirienne pour les droits des femmes a organisé une série d’activités pour sensibiliser le public, interpeller les autorités et soutenir les survivantes. Les organisations féministes jouent un rôle central dans la lutte contre les violences faites aux femmes mais elles souffrent d’un manque de financement qui limite leur capacité à agir efficacement. La Ligue insiste sur l’importance de fournir des ressources financières adéquates pour garantir une réponse adaptée et construire un avenir juste et sécurisé pour les Ivoiriennes.
En 2022, près de 8 800 cas de violences basées sur le sexe ont été signalés en Côte d’Ivoire selon les autorités. Les associations féministes insistent sur la nécessité de fournir des données fiables et mises à jour pour mieux combattre ce fléau.
FRANCE
Procès en cours pour la vandalisation d’une statue de Simone Veil
Jeudi 19 décembre, neuf membres de l’Action française, trois femmes et six hommes âgé·es de 18 à 23 ans, sont jugé·es à La Roche-sur-Yon en Vendée pour avoir dégradé la statue de Simone Veil.
Le 8 mars 2024, une grande victoire pour les droits des femmes en France a été célébrée : l’inscription dans la Constitution du droit à l’avortement. Au même moment à La Roche-sur-Yon en Vendée, neuf membres de l’Action française (AF), un mouvement d’extrême droite nationaliste et royaliste, ont vandalisé la statue de Simone Veil. Ils ont versé du faux sang dans la fontaine du monument et déposé des poupons ensanglantés autour. Des inscriptions telles que « La Constitution tue nos enfants » et « IVG = mort », ainsi que des autocollants de l’Action Française, ont été retrouvées sur la statue. La section vandéenne de l’AF a revendiqué cet acte dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux, avant qu’elle ne soit supprimée.
Simone Veil, alors ministre de la Santé et figure centrale dans la lutte pour le droit à l’avortement, a, en 1975, défendu la loi légalisant l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse), désormais connue sous le nom de loi Veil. Cette loi a été un tournant majeur dans la reconnaissance des droits des femmes, permettant à des milliers de femmes d’accéder à un avortement légal et sécurisé, réduisant ainsi le nombre d’avortements clandestins.
Quelques jours avant l’audience, une des prévenu·es a diffusé une vidéo sur Instagram annonçant la création d’une cagnotte pour financer leurs frais de justice. Dans cette vidéo, publiée sur les comptes du mouvement vendéen et de la fédération nationale, elle déclare : « Nous sommes aujourd’hui poursuivi par la justice française pour avoir osé dénoncer en mars dernier la constitutionnalisation de l’avortement. Défendre la vie a un coût donc nous avons besoin de vous pour pouvoir faire face à l’acharnement de ceux qui nous poursuivent ».
La défense des neuf prévenu·es repose sur l’idée que l’avortement est un crime. Selon eux, leur vandalisme visait à alerter sur la réalité de ce qu’est l’IVG. Pour Anne-Claire de Cibon, les femmes qui avortent commettent consciemment ou non un infanticide.
La procureure requiert pour l’ensemble des prévenu·es six mois de prison avec sursis, l’interdiction des droits civiques et civils ainsi que l’interdiction d’exercer un emploi public, pendant cinq ans.
En réponse, M. Fabrice Delinde, l’avocat des prévenu·es, a déclaré : « Je suis là parce qu’il y a du liquide rouge dans une fontaine, et on en a fait un procès politique ». Il a demandé la relaxe des prévenu.es, s’attaquant frontalement aux réquisitions de la procureure, qu’il a qualifié de « déclaration de guerre ».
La décision a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.