COMMUNIQUE DE PRESSE 20/12/2024 – Procès des violeurs de Mazan : Un verdict mitigé symptomatique d’un système défaillant

Revue de presse féministe & internationale du 16 au 20 décembre
19 décembre 2024
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19 décembre 2024

COMMUNIQUE DE PRESSE 20/12/2024 – Procès des violeurs de Mazan : Un verdict mitigé symptomatique d’un système défaillant

PROCÈS DES VIOLEURS DE MAZAN : Un verdict mitigé symptomatique d’un système défaillant

Quatre années après la découverte par la police du téléphone de Monsieur Dominique Pélicot, qui a permis de révéler une série de crimes sexuels qu’il a infligés et fait infliger à son épouse de l’époque, Madame Gisèle Pélicot, le verdict de la Cour criminelle du Vaucluse est tombé hier matin. Dominique Pélicot et 50 co-accusés ont tous été reconnus coupables d’infractions sexuelles à l’encontre de Gisèle Pélicot.

Nous saluons la décision de condamner Dominique Pélicot à une réclusion criminelle de 20 ans, la peine maximale pour ce type de crime, assortie d’une période de sûreté de 13 ans et d’une inscription au FIJAIS (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes).

Cependant, nous ne pouvons que déplorer la clémence des peines prononcées à l’encontre des autres accusés. Malgré la planification minutieuse des actes sexuels qu’ils ont commis sur Gisèle Pélicot, alors dans un état quasi-comateux, les peines prononcées sont largement inférieures à la moyenne nationale pour des faits de viol, établie à 10 ans de réclusion criminelle.

Alors que l’accusation avait requis un total de 652 années de réclusion pour l’ensemble des accusés, le tribunal n’a prononcé que 428 années cumulées. Les peines individuelles oscillent entre 1 et 15 ans de réclusion, souvent assorties de sursis. Cette indulgence est d’autant plus incompréhensible que les circonstances aggravantes étaient établies et les preuves matérielles accablantes.


Un procès sous le regard du monde

La France et le monde ont suivi ce procès à travers le courage exceptionnel de Madame Gisèle Pélicot. Comme elle, de nombreuses victimes de viols refusent le huis clos et l’invisibilisation des violences. Comme elle, de nombreuses victimes de viols entendent qu’elles l’ont voulu, qu’elles l’ont cherché. Comme elle, de nombreuses victimes de viols vivent pendant des années au rythme des procédures, des enquêtes et des audiences, tout en affrontant un système judiciaire qui peine la plupart du temps à leur rendre justice. 

En France, seuls 0,01 % des violeurs sont condamnés. Ce chiffre reflète une réalité insoutenable : nombre de victimes n’osent pas porter plainte, convaincues que leur parole sera remise en cause ou balayée par une justice perçue comme indifférente.


Un appel à un changement radical du traitement des violences sexuelles

Alors que certains accusés pourraient faire appel de ces peines, la Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF) alerte une nouvelle fois sur le traitement des violences sexuelles en France. 

Si ce procès a eu lieu, c’est grâce au travail des enquêteur.rices qui ne se sont pas satisfaits du minimum. Ils se sont obstiné.es et ont tiré le fil jusqu’à découvrir l’étendue des crimes et de leur gravité. Si 94% des plaintes pour viol sont encore classées sans suite, c’est souvent par manque de preuves. Or, les preuves existent : elles sont dans le récit des victimes, elles sont dans le travail d’enquête. Le professionnalisme dont ont fait preuve les enquêteur.rices dans l’enquête de Dominique Pélicot devrait être la norme. 

Les professionnel.les de tous les milieux - judiciaires, médicaux, sociaux - doivent être formés aux violence sexuelles et aux stratégies des agresseurs, dont la soumission chimique fait partie. Le personnel médical et de santé notamment, joue un rôle essentiel dans la détection des violences sexuelles. 

Ce procès nous a apporté une énième preuve, si seulement nous en avions besoin, que les violences sexistes s’irriguent dans l’ensemble de notre société et sont alimentées entre autres par des contenus pornographiques violents, racistes et sexistes. La France n’est pas encore à la hauteur de la lutte contre cette industrie lucrative et violente à l’égard des femmes et des minorités. 

Il est impératif que le système judiciaire se montre à la hauteur du courage des victimes. Chaque verdict clément envoie un message délétère : celui que la violence sexuelle n’est pas prise au sérieux. Cela dissuade encore davantage les victimes de se tourner vers la justice et perpétue un cycle d’impunité. 

Avec la Coalition féministe pour une loi intégrale, nous faisons 140 propositions pour lutter contre l’impunité. Nous appelons à une réforme en profondeur pour garantir un traitement digne et efficace des affaires de violences sexuelles. Une société ne peut prétendre à l’égalité et à la justice tant que ses institutions continuent de faillir aux femmes victimes de violences sexuelles. 

Contact presse : clef.femmes@gmail.com