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13 décembre 2024COMMUNIQUE DE PRESSE 16/12/2024 – Un ministère des droits des femmes : une urgence impérative sous le mandat de François Bayrou
16 décembre 2024Revue de presse féministe & internationale du 9 au 13 décembre
SYRIE
La chute de Bachar al-Assad, quel avenir pour les libertés fondamentales des femmes ?
Le 8 décembre 2024, la Syrie a connu un tournant historique avec la fuite de Bachar al-Assad, renversé par une offensive menée par le groupe rebelle Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Après près de 25 ans de règne autoritaire, Assad a quitté le pays, laissant Damas et Alep sous le contrôle d’HTS, tandis que d’autres régions demeurent tenues par des groupes locaux et des factions kurdes. Ce bouleversement, bien que vu par porteur d’espoir pour certain·e·s, soulève cependant des inquiétudes profondes quant à l’avenir des droits des femmes.
La Syrie a connu une histoire politique tourmentée au XXe siècle. Devenue indépendante en 1946 après la fin du mandat français, la Syrie a traversé une série de coups d’État militaires. En 1971, Hafez al-Assad, officier militaire, s’est imposé comme président après un coup d’État interne au gouvernement en place. Son régime autoritaire a été marqué des mesures sanglantes, notamment en écrasant la révolte islamiste de Hama en 1982, au prix de dizaines de milliers de morts. En 2000, à la mort de Hafez, son fils Bachar al-Assad prend la tête du pays, adoptant le modèle répressif de son père.
Le conflit syrien a débuté en 2011, dans le contexte plus large du Printemps Arabe. Ce mouvement populaire, initialement pacifique, demandait plus de libertés et la fin de la corruption. Mais la réponse brutale du régime, marquée notamment par l’utilisation d’armes chimiques (gaz Sarin) sur la population et causant la mort par asphyxie de plusieurs milliers d’hommes et femmes, ainsi que des arrestations de masse a transformé les protestations en une guerre civile.
La guerre syrienne est ensuite devenue un terrain de confrontation pour les grandes puissances : La Russie et l’Iran ont soutenu militairement le régime d’Assad, tandis que les États-Unis et d’autres pays occidentaux et arabes ont apporté leurs soutien à différents groupes rebelles. La Russie a été au cœur de plusieurs répressions violentes d’opposition; l’alliance entre la Syrie et la Russie remontant à la guerre froide, lorsque l’Union soviétique soutenait la Syrie en tant que partenaire stratégique au Moyen-Orient contre l’alliance des États-Unis et d’Israël.
Pendant le régime de Bachar al-Assad, les violences à l’encontre des femmes étaient largement documentées. Des milliers de femmes ont été emprisonnées, torturées et violées massivement dans des lieux devenus tristement célèbres comme la prison de Saydnaya, surnommée “l’abattoir humain”. Selon la documentariste Manon Loizeau, réalisatrice du documentaire Cri Étouffés, on estime à 50 000 le nombre de femmes qui sont passées dans les prisons du régime syrien depuis le début du conflit. 90% des détenues ont été victimes de viol. Tout citoyen engagé dans la révolution a eu une des femmes de sa famille envoyée en détention, sa sœur, sa fille, sa femme… Le message était : « Soit tu te rends, soit on garde ta femme, ta fille chez nous”, explique le documentaire. Le régime utilisait le viol comme outil de controle et de terreur.
Bien que la chute de la dictature de Bachar Al-assad représente potentiellement un pas en avant pour le pays, la prise de pouvoir par HTS, sous la direction d’Abou Mohammed al-Joulani (aussi appelé Ahmed al-Charaa), suscite des préoccupations quant à l’application de la charia et ses implications pour les femmes syriennes. Comme le souligne Jeanne Berger, consultante humanitaire :
« Si la chute d’Assad représente une opportunité de changement, elle comporte aussi des risques majeurs. Le silence et la marginalisation des femmes ne doivent pas être le prix à payer pour cette transition. »
En effet, dans les zones déjà administrées par le groupe, la charia, ou loi islamique, a été appliquée, imposant des restrictions aux libertés individuelles, particulièrement celles des femmes. Bien que prétendant adopter un “djihad modéré”, conserve une identité islamiste ancrée dans des principes religieux stricts. Comme le rappelle la BBC, Ahmed al-Charaa a fait l’éloge des Talibans, lors de leur retour au pouvoir en 2021, les considérant comme une « source d’inspiration et un modèle ». Maya Khadra, journaliste franco-libanaise explique :
« Avec la montée en puissance d’HTS, il est probable que les femmes soient confrontées à de nouvelles restrictions, en particulier dans leur accès à l’éducation, à l’emploi et à la vie publique. »
Alors que le pays entre dans une nouvelle ère, l’avenir des Syriennes reste incertain. Si la chute d’Assad marque une opportunité de changement, elle pourrait également renforcer l’oppression des femmes. Les Syriens et Syriennes espèrent que cette transition portera les germes d’un renouveau, mais les défis restent immenses.
https://www.elle.fr/Societe/News/Syrie-quel-avenir-pour-les-droits-des-femmes-4293283
https://www.bbc.com/afrique/articles/cx2wpdr0zz8o
ESPAGNE
Offensive en Espagne sur les droits à l’avortement
Le VIe sommet transatlantique de la plateforme internationale d’extrême droite, Political Network for Values, a eu lieu le 2 décembre 2024 à Madrid.
Les élections européennes de juin 2024 ont marqué un véritable tournant politique, notamment sur les questions d’égalité des sexes. Plusieurs partis historiquement engagés en faveur des droits des femmes ont perdu des sièges au Parlement européen, tandis que les partis d’extrême droite, opposés à ces droits, ont renforcé leur influence. Désormais, les groupes de droite et d’extrême droite comme le Parti Populaire Européen (PPE), les Conservateurs et Réformistes Européens (ECR), les Patriotes pour l’Europe, et Europe des Nations Souveraines disposent d’une majorité potentielle sur les questions qui les unissent, notamment l’anti-féminisme.
Cette progression se traduit par des succès électoraux marqués dans cinq pays : la France, l’Italie, l’Autriche, la Belgique et la Hongrie. Dans d’autres pays comme l’Espagne, la Finlande, la Suède et le Danemark, les scores de l’extrême droite sont moins significatifs, mais la montée des forces conservatrices est tout de même bien présente.
La situation espagnole illustre cette tendance. Considéré comme un modèle en matière de droits des femmes, le pays est confronté à une influence croissante des mouvements ultraconservateurs.
Le 2 décembre 2024, Madrid a accueilli le VIe sommet transatlantique de la Political Network for Values, une plateforme internationale d’extrême droite regroupant des responsables politiques ultraconservateurs d’Europe, d’Afrique et d’Amérique. Sous le slogan « pour la liberté et la culture de la vie », ce sommet anti-avortement a rassemblé 45 pays et 300 participant·es. Il s’est tenu dans une ancienne salle du Sénat espagnol, grâce au soutien du Partido Popular, parti conservateur espagnol. Cette initiative a suscité de vives critiques de la société civile et des dirigeant·es politiques.
Mónica García, ministre de la Santé, a dénoncé « les discours anti-scientifiques pour justifier les attaques contre les droits des femmes ». Quant à Ana Redondo, ministre de l’Égalité (PSOE), elle a qualifié d ‘« intolérable » la transformation du Sénat en « parc à thème pour l’extrême droite contre les droits reproductifs et sexuels des femmes ». En revanche, Ignacio Garriga, secrétaire général de Vox, principal parti d’extrême droite espagnole, a défendu « la culture de la vie » face à ce qu’il appelle « la culture de la mort » promue par le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez.
Le contrôle des corps et des sexualités est au cœur de l’agenda politique de l’extrême droite. En Italie, par exemple, le parti Fratelli d’Italia, dirigé par Giorgia Meloni, a remporté 29 % des voix aux élections européennes. Leur programme met en avant des mesures natalistes, renvoyant les femmes à une fonction procréatrice au nom de l’intérêt national. Cette logique, typique de l’extrême droite, prive les femmes de leur libre arbitre en privilégiant les intérêts de la nation sur leurs choix personnels.
La misogynie et l’anti-féminisme restent inhérents à l’idéologie d’extrême droite, mais les partis adoptent aujourd’hui une stratégie plus subtile pour renforcer leur influence. Cette stratégie repose sur l’instrumentalisation des droits des femmes et des luttes féministes, à des fins politiques et racistes.
En mettant en avant des figures féminines à la tête de leurs partis comme Marine Le Pen en France, Giorgia Meloni en Italie, Alice Weidel en Allemagne ou Sylvi Listhaug en Norvège, ces mouvements cherchent à légitimer leur image et à attirer un électorat plus large. Parallèlement, ils présentent l’immigration comme une menace pour les femmes européennes blanches, liant sexisme, racisme et une vision patriarcale de la société.
Cette idéologie converge avec la théorie du « grand remplacement », selon laquelle l’immigration met en péril les populations blanches et européennes. Ce discours, à la fois raciste et patriarcal, considère les femmes comme des instruments au service d’une nation à « repeupler », réduisant leurs corps à une fonction reproductive.
Les résultats des élections européennes de 2024 et les événements politiques récents comme l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, celle d’Herbert Kickl en Autriche ou encore le sommet transatlantique de la Political Network for Values témoignent d’un grand danger pour les droits des femmes face à la montée des forces d’extrême droite à l’échelle mondiale.
https://equipop.org/wp-content/uploads/2024/11/rapport-construire-europe-feministe-Equipop.pdf
NORVEGE
Des avancées dans la législation sur l’avortement
Le Parlement norvégien a adopté, le mardi 3 décembre 2024, une loi historique qui élargit le délai légal pour recourir librement à une interruption volontaire de grossesse (IVG) de 12 à 18 semaines. Ce changement, porté par le gouvernement minoritaire de centre gauche, alignera désormais la Norvège sur son voisin, la Suède, et remplace une législation en place depuis 1978.
Cette réforme, bien que soutenue par une majorité parlementaire, a suscité des débats passionnés au sein du pays. Si elle est saluée par les défenseur·e·s des droits des femmes comme une avancée majeure, elle divise également l’opinion publique et certains partis politiques.
Jusqu’à présent, l’avortement en Norvège était possible après la 12ᵉ semaine de grossesse uniquement avec l’aval d’un comité d’évaluation composé de deux médecins, un homme et une femme. Ce système, bien que rarement restrictif en pratique, était considéré par les défenseur·e·s de la réforme comme un vestige d’une époque paternaliste.
Selon ces militant·e·s, ce comité représentait une atteinte à l’autonomie des femmes, en leur imposant de justifier leur choix devant un tiers. Avec l’adoption de la nouvelle loi, les femmes pourront désormais choisir librement d’interrompre une grossesse jusqu’à 18 semaines, sans avoir à obtenir une autorisation médicale. Cela met fin à une procédure jugée obsolète et aligne la Norvège sur d’autres pays nordiques, comme la Suède et le Danemark, où ce délai est déjà en vigueur.
Cependant, cette réforme n’a pas été adoptée sans opposition. Le petit parti démocrate-chrétien, qui a mené une campagne active contre l’extension du délai, a exprimé des préoccupations éthiques, notamment concernant les avortements tardifs.
Malgré ces objections, le projet de loi a obtenu une majorité parlementaire, grâce à une alliance entre les partis de centre gauche et plusieurs députés indépendants.
Les statistiques montrent que la grande majorité des avortements en Norvège ont lieu bien avant le délai de 12 semaines. France Info rappelle qu’en 2023, selon l’Institut norvégien de santé publique, 83,7 % des interruptions volontaires de grossesse ont eu lieu avant la neuvième semaine. Seuls 4,7 % des avortements ont été réalisés après la douzième semaine, et ces derniers nécessitaient jusqu’alors l’aval du comité d’évaluation.
Ces chiffres mettent en lumière une réalité : l’extension du délai à 18 semaines ne concerne qu’une minorité de cas. Cependant, pour les défenseur·e·s de la réforme, cette nouvelle loi garantit que le cadre légal soit plus flexible et respectueux de l’autonomie et de liberté de choix de toutes les femmes et de tous les contextes familiaux et socio-économiques.
En parallèle, le Parlement a également voté une mesure autorisant jusqu’à la 18ᵉ semaine une réduction sélective du nombre de fœtus en cas de grossesse multiple. Cette pratique, qui implique l’interruption d’un ou plusieurs fœtus dans une grossesse gémellaire ou plus, est souvent utilisée pour réduire les risques médicaux pour la mère et les fœtus restants.
Là encore, cette disposition a suscité des débats, certains opposants y voyant une décision éthique délicate. Pour les défenseur·e·s, il s’agit d’une mesure pragmatique qui répond à des réalités médicales complexes et vise à protéger la santé des femmes.
Avec cette loi, la Norvège s’aligne sur ses voisins nordiques, où des délais plus longs pour l’avortement sont déjà la norme. En Suède, par exemple, les femmes peuvent interrompre une grossesse jusqu’à la 18ᵉ semaine, et au Danemark, le délai est fixé à 12 semaines mais avec des exceptions médicales pouvant être autorisées au-delà.
La décision norvégienne s’inscrit également dans un contexte international où les droits reproductifs des femmes sont remis en question dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis et en Pologne, où des lois plus restrictives sur l’avortement ont été adoptées récemment.
Pour les défenseur·e·s des droits des femmes, cette réforme marque une avancée symbolique, et met fin à un processus jugé archaïque.
Cependant, la division politique et les oppositions à cette réforme montrent que la question de l’avortement reste un sujet profondément sensible, même dans un pays historiquement progressiste comme la Norvège.
FRANCE
Le procès de Christophe Ruggia pour agressions sexuelles
« Plus de vingt ans après le début des agressions pédocriminelles que j’ai subies durant des années, et à la suite d’un chemin douloureux et inlassable pour obtenir justice, je reçois aujourd’hui la nouvelle du procès avec beaucoup d’émotion », Adèle Haenel.
Le procès du cinéaste Christophe Ruggia, accusé d’agressions sexuelles aggravées sur l’actrice Adèle Haenel, s’est tenu les 9 et 10 décembre. Adèle Haenel l’accuse d’agressions sexuelles survenues entre le 1er septembre 2001 et le 10 février 2004, période durant laquelle elle avait entre 12 et 14 ans, tandis que Christophe Ruggia était âgé de 36 à 39 ans. Ces faits sont aggravés par la circonstance qu’il exerçait une autorité sur l’actrice mineure, qui jouait à l’époque dans son film Les Diables. Christophe Ruggia nie toutes les accusations portées contre lui.
Christophe Ruggia accuse Adèle Haenel de vouloir « lancer un #MeToo en France » et affirme que cela serait « tombé » sur lui. Il reconnaît qu’il ne lui semble pas impossible qu’Adèle Haenel ait pu imaginer qu’il était amoureux d’elle, car il était fasciné par elle et l’aimait beaucoup. Il prétend également qu’elle chercherait à se venger parce qu’il ne l’aurait pas retenue pour un autre de ses films. De plus, il nie avoir sexualisé l’actrice, bien qu’il l’ait décrite comme « d’une sensualité débordante » lorsqu’elle était enfant et qu’une recherche Google « Adèle Haenel hot » effectuée par lui en 2011 a été découverte par les enquêteur·ices.
A ces accusations, elle répond :
« Je ne suis pas animée par la vengeance, je veux qu’on rende justice à cette enfant que personne n’a protégée, qui s’en est sortie toute seule ».
La procureure a requis une peine de cinq ans d’emprisonnement aménageable sous la forme d’une détention à domicile, dont trois ans assortis d’un sursis probatoire de deux ans. Elle a également demandé une interdiction d’entrer en contact avec Adèle Haenel, une obligation d’indemnisation, une interdiction d’exercer une activité avec des mineur·es pendant dix ans, ainsi que l’inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS). La décision du tribunal sera rendue le 3 février 2025 à 13h30.
Cette semaine, les développements dans les affaires d’agressions sexuelles n’ont pas concerné uniquement le monde du cinéma, mais également le milieu du sport.
L’enquête pour viol visant Kylian Mbappé à Stockholm, en octobre, a été classée sans suite en raison d’un manque de preuves suffisantes, a annoncé le parquet suédois jeudi 12 décembre.
Du côté de l’affaire Mendoza, où les rugbymen français Hugo Auradou et Oscar Jegou sont accusés de viol en réunion en Argentine, la juge chargée du dossier a décidé, ce mardi 10 décembre, après cinq mois de procédure, d’abandonner les poursuites. L’avocat des joueurs a saisi cette occasion pour décrédibiliser la plaignante, dénonçant ses fausses accusations.
À l’inverse, l’avocate de la , qui a fait appel, a exprimé son indignation :
« Il est regrettable de voir comment ce type de décision représente un recul pour les droits des femmes et pour les droits humains. J’espère que cela n’intimidera pas d’autres femmes souhaitant porter plainte ».
Les deux rugbymen sont de nouveau “sélectionnables” pour le XV de France et ont repris leur activité de rugbyman professionnel.
Que ce soit dans le sport ou dans le cinéma, les affaires d’agressions sexuelles peinent souvent à déboucher sur des condamnations. Dans ce contexte, la justice est rarement pleinement rendue aux victimes, et lorsque c’est le cas, les peines sont souvent légères.