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27 novembre 2024COMMUNIQUE DE PRESSE 11/12/2024 – Crimes de l’industrie pornographique : les faits doivent être jugés dans leur intégralité.
11 décembre 2024Revue de presse féministe & internationale du 2 au 6 décembre
BELGIQUE
Une loi qui fait de la prostitution un “métier comme les autres” vient d’entrer en vigueur
Après avoir décriminalisé la prostitution en 2022, le Parlement belge a adopté une loi en mai qui est entrée en vigueur le 1er décembre. Les « travailleur·euses du sexe » bénéficient désormais d’un statut leur garantissant un contrat de travail et la protection du droit du travail, selon le cabinet du ministre fédéral du Travail, Pierre-Yves Dermagne.
Ils ou elles, très majoritairement elles, auront les mêmes droits que les autres salarié·es avec un accès à l’assurance maladie, aux arrêts maladie, aux congés payés, à la cotisation retraite, au chômage, aux congés maternité…
Cette loi est également censée protéger les personnes en situation de prostitution qui refusent un acte sexuel ou un client :
« Il n’appartient qu’à lui [la personne en situation de prostitution] de consentir ou non à un acte sexuel, quels que soient les modalités ou les accords préalablement convenus avec le client ou l’employeur. »
Le texte de loi se base sur quatre libertés fondamentales : le droit de refuser un client, le droit de refuser des actes sexuels spécifiques, le droit d’interrompre ou d’arrêter l’activité à tout moment et le droit d’imposer ses propres conditions à l’activité ou l’acte sexuel.
Les « employeurs » devront obtenir un agrément préalable respectant des conditions, comme une taille minimale des chambres, fournir des préservatifs, des normes d’hygiène adéquates et la présence d’un bouton d’urgence pour contacter une personne de référence. Sans cette autorisation, un « employeur » ne sera pas reconnu comme tel au sens de la loi et pourra être poursuivie pour proxénétisme selon le code pénal. Certains aspects restent exclus de cette loi, comme la question du salaire minimum et les personnes en situations de prostitution exerçant dans la rue.
La loi belge, loin d’être une avancée, constitue un recul majeur dans la lutte pour l’abolition du système prostitutionnel et le combat pour en finir avec l’exploitation des personnes en situation de prostitution. En légitimant la prostitution comme une activité professionnelle, elle normalise une activité intrinsèquement violente, et un système prostitutionnel qui s’enracine dans le patriarcat. Cette approche néglige les racines systémiques de la prostitution et sa réalité : en France, parmi les victimes de prostitution, 84 % sont des femmes et 99% des clients-prostitueurs sont des hommes. On estime que 40 000 personnes sont en situation de prostitution dont 30 % de mineur·es selon les forces de sécurité, qui admettent que ce nombre soit sous-évalué. De plus, le taux de suicide chez les personnes en situation de prostitution est 12 fois plus élevé que dans la population générale. A l’échelle de l’Union européenne 70% des personnes en situation de prostitution sont des femmes migrantes.
La CLEF et ses associations membres défendent un modèle abolitionniste et s’oppose à la légalisation de la prostitution. En reconnaissant la prostitution comme une atteinte à la dignité humaine et un obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes, il vise à éradiquer la demande d’achat d’actes sexuels tout en protégeant et accompagnant les victimes de la prostitution dans des parcours de sortie.
La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les violences contre les filles et les femmes, leurs causes et conséquences, Reem Alsalem, a publié un rapport en mai 2024 dans lequel elle insiste sur l’importance d’utiliser une terminologie reflétant les réalités vécues par les filles et les femmes en situation de prostitution : il est essentiel d’utiliser les termes « prostitution » et « personnes en situation de prostitution » plutôt que « travail du sexe » et « travailleur·euses du sexe ». Si une minorité se reconnaît dans l’appellation « travailleuses du sexe », la majorité considère la prostitution non comme un choix de carrière, mais comme une forme de violence. Par ailleurs, ces termes réduisent cette réalité à une logique de production, assimilant la prostitution à une simple vente de force de travail, ce qui nie la dimension de souffrance et d’exploitation qu’elle implique.
« Il n’y aura jamais d’éradication des violences sexistes et sexuelles dans un monde où les hommes pourront continuer d’acheter ou louer le corps des femmes. »
Laurence Rossignol, sénatrice.
Pour plus d’information sur la prostitution, consultez notre dossier de presse en cliquant ici.
FRANCE
La peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle requise par le ministère public à l’encontre de Dominique Pélicot
Depuis plusieurs mois, l’affaire Pélicot est médiatisée en France et dans le monde. Pendant plus d’une décennie, Dominique Pélicot a violé et fait violer son épouse , Gisèle Pélicot, alors qu’elle était sous soumission chimique (c’est-à-dire qu’on lui a administré des drogues ayant pour but qu’elle soit inconsciente à son insu). Ces crimes, perpétrés par une cinquantaine d’hommes sur la personne de Madame Pélicot, révelent une culture du viol profondément enracinée dans notre société et des failles dans le fonctionnement de notre système judiciaire. Certains affirment que « la présence du mari rendait les actes consensuels ». Cette défense sordide reflète une mentalité patriarcale profondément ancrée, où l’autorité supposée d’un époux semblerait prévaloir sur l’humanité, la dignité et l’intégrité d’une femme.
Selon le Code pénal français (articles 22-23 à 222-26), le viol est défini comme :
« tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ».
L’auteur d’un viol encourt une peine de 15 ans de réclusion criminelle, portée à 30 ans si la victime décède des suites de l’agression. Il risque la perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie. Lorsqu’il est qualifié de « viol aggravé », la peine peut être portée à 20 ans de réclusion criminelle, en raison de circonstances spécifiques.
Les circonstances « aggravantes » incluent notamment les situations où le viol est commis par plusieurs personnes (« en réunion »), lorsqu’une arme est utilisée, ou encore si la victime a été droguée à son insu pour altérer son discernement. La loi reconnaît également comme aggravantes les agressions perpétrées par un ascendant, une personne ayant autorité sur la victime, ou encore le conjoint ou concubin. Il est par ailleurs important de rappeler que les crimes commis par les hommes jugés pour viols et agressions sexuelles dans ce procès dit de Mazan additionnent plusieurs circonstances aggravantes. Aujourd’hui encore, la législation ne prévoit pas d’aggravation spécifique pour des crimes répétés sur la durée.
Ce procès met en lumière une vérité troublante : un violeur peut être perçu comme un mari, un collègue jovial ou un individu de confiance, tout en étant capable de commettre un crime. Comme le conclut Maître Babonneau : « Ce que ce procès révèle, c’est que l’on peut être tout cela à la fois, et en même temps avoir commis ces faits. »
Le courage de Gisèle Pélicot a été salué par les associations féministes et de lutte contre les violences sexuelles. Par ailleurs, de nombreuses voix se sont élevées pour la remercier d’avoir accepté d’avoir tenu ce procès ouvert, afin qu’il puisse être médiatisé et avoir un retentissement sur les mentalités.
Le 25 novembre, l’édition allemande de Vogue lui a rendu hommage avec une couverture intitulée : « La honte doit changer de camp ». Ce message puissant rappelle que trop souvent, c’est la victime qui porte le poids de la honte, tandis que les coupables cherchent à se dédouaner de leurs responsabilités. Gisèle Pélicot, par son combat, s’est inscrite dans le mouvement des associations féministes qui depuis plusieurs dizaines d’années, pour la fin de l’impunité.
Gisèle Pélicot représente aujourd’hui un symbole pour un certain nombre de femmes et d’hommes souhaitant conjointement la fin de l’impunité. Alors que le procureur a demandé 20 ans de réclusion criminelle, il reste désormais aux juges de donner leur verdict.
N’hésitez pas à consulter notre article, pour en savoir plus sur l’affaire Pélicot !
https://www.legifrance.gouv.fr Code pénal français, articles 222-23 à 222-26.
https://www.avocat-benamou.fr/blog/cour-assises-vs-cour-criminelle-en-france?
https://www.village-justice.com/articles/viol-aggrave-victime-viol-quels-sont-vos-recours,38159.html
ROUMANIE
Călin Georgescu, une montée des extrémismes et une menace pour les droits des femmes
Coup de théâtre lors de l’élection présidentielle roumaine : selon les résultats annoncés dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 novembre, Călin Georgescu a créé la surprise en arrivant en tête du premier tour avec 22,59 % des voix. L’extrême droite s’impose ainsi comme la grande gagnante de ce scrutin.
L’ascension politique de Călin Georgescu en Roumanie inquiète les défenseurs et défenseuses des droits humains, en particulier ceux des femmes. Remettant en question le soutien à l’Ukraine et l’appartenance de la Roumanie à l’Otan, exprimant son admiration pour le Premier ministre hongrois Viktor Orbán et proche de Vladimir Poutine, Georgescu incarne une politique conservatrice, autoritaire et traditionnelle. Son influence grandissante illustre les dangers posés par l’alliance entre l’extrême droite et les courants religieux conservateurs pour les libertés fondamentales.
Georgescu, surnommé par ses partisans le « Poutine des Carpates », cultive une image de leader « viril » : il s’affiche régulièrement sur un cheval ou pratiquant des arts martiaux, dans une mise en scène rappelant celle du président russe. Mais derrière cette façade de force masculine se cache une idéologie profondément patriarcale. Parmi ses propos les plus choquants, il a qualifié les naissances par césarienne de « tragédie », affirmant qu’elles « brisent le fil divin ». Il accuse les mères de « manipulation », affirmant que ce choix médical aurait des conséquences néfastes sur l’enfant dès sa naissance. Ces déclarations, non seulement infondées sur le plan médical, mais également stigmatisantes, traduisent une volonté de contrôler les corps des femmes
Călin Georgescu s’appuie également sur des alliances avec des mouvements religieux conservateurs pour promouvoir une vision traditionaliste et patriarcale de la société. Ces courants militent pour restreindre l’accès à l’avortement et limiter l’autonomie des femmes.. Cette instrumentalisation des valeurs religieuses, combinée à une rhétorique nationaliste, reflète une stratégie politique dangereuse qui vise à éroder les droits des femmes sous couvert de défendre des « valeurs traditionnelles ».
Son admiration affichée pour Vladimir Poutine renforce les inquiétudes. Le Kremlin, connu pour son opposition aux mouvements féministes et sa répression des droits humains, semble inspirer la vision politique de Georgescu. Ce dernier critique régulièrement les valeurs féministes, qu’il qualifie de « déviations occidentales » et promeut une politique antiféministe sous couvert de sauvegarder les traditions familiales roumaines.
Si son influence continue de croître, Călin Georgescu pourrait devenir un symbole du recul des droits des femmes en Roumanie et au-delà. Cette montée en puissance met en lumière un défi majeur : la nécessité pour les mouvements féministes et progressistes de rester vigilants et de s’organiser face à ces dérives autoritaires.
Le cas de Georgescu rappelle une vérité fondamentale : les droits des femmes ne sont jamais acquis. Ils doivent être défendus sans relâche contre les forces conservatrices et autoritaires qui cherchent à les réduire au nom d’une prétendue préservation des traditions.
FRANCE
50 ans d’avancées depuis la dépénalisation de l’IVG
Il y a cinquante ans, le 26 novembre 1974, Simone Veil, alors ministre de la Santé, prononçait un discours historique devant l’Assemblée nationale pour défendre le projet de loi sur la dépénalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) :
« Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300000 avortements qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays, qui bafouent nos lois et qui humilient ou traumatisent celles qui y ont recours. »
« Je sais qu’un certain nombre d’entre vous estimeront en conscience qu’ils ne peuvent voter ce texte, pas davantage qu’aucune loi faisant sortir l’avortement de l’interdit et du clandestin. »
« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme — je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. »
Ce projet de loi, adopté malgré de fortes oppositions, fut promulgué le 17 janvier 1975 pour cinq ans, marquant une avancée décisive pour les droits des femmes. La dépénalisation de l’IVG est définitivement adoptée par la loi du 31 décembre 1979, jusqu’à la dixième semaine de grossesse. Depuis, les droits liés à l’IVG n’ont cessé de progresser, avec une extension du délai légal à quatorze semaines en 2022 et un remboursement intégral par la Sécurité sociale depuis 2013. Avec la diffusion de la contraception, le nombre d’avortement a diminué jusqu’au début des années 1990 et a oscillé autour de 220 000 par an depuis. Ces avancées ont culminé, un demi-siècle plus tard, avec l’inscription de la liberté à recourir à l’avortementdans la Constitution française en mars 2024, faisant de la France le premier pays à franchir cette étape, dans un contexte où le droit à l’avortement recule dans de nombreux pays.
Avant l’adoption de la loi Veil, interrompre une grossesse ou pratiquer une IVG était considéré comme un crime ou un délit. Les femmes prenaient de graves risques pour leur santé, et celles ou ceux qui les accompagnaient s’exposaient à des poursuites judiciaires pouvant entraîner des peines allant jusqu’à cinq ans de prison. Par ailleurs, 500 femmes mourraient chaque année d’un avortement clandestin
Bien que la loi Veil ait permis de sauver un nombre incalculable de vies en France, la situation reste préoccupante à l’échelle mondiale. En 2023, dans le monde, une femme meurt toutes les neuf minutes des suites d’un avortement clandestin et entre 39 000 et 47 000 femmes perdent chaque année la vie à cause d’une IVG non médicalisée (OMS, 2023).
Le mardi 26 novembre 2024, une cérémonie d’inauguration de l’exposition pour les 50 ans de la loi Veil a eu lieu à l’Assemblée nationale. Claudine Monteil, membre du bureau de la CLEF, était l’invitée d’honneur pour son combat militant et féministe des cinquante dernières années au côté notamment de Simone de Beauvoir et pour avoir été la plus jeune signataire du Manifeste des 343 !
Lors de son discours prononcé aux côtés de Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale et Didier Migaud, ministre de la Justice, elle est revenue sur l’inscription du droit à avoir recours à l’IVG dans la Constitution :
« Pour moi qui viens d’une France où nous n’osions même pas prononcer le mot avortement lors d’une simple conversation. Votre action par cette inscription a dépassé mon rêve. Je ne pensais jamais le vivre. »