Résumé du rapport de Reem Alsalem sur la violence à l’égard des filles et des femmes dans le sport

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Résumé du rapport de Reem Alsalem sur la violence à l’égard des filles et des femmes dans le sport

Le sujet des discriminations et des violences faites aux femmes dans le sport est au cœur des préoccupations de la CLEF : 

 Les femmes se heurtent à des obstacles tels que le manque d’infrastructures et les stéréotypes sexistes, ce qui limite leur participation. La CLEF plaide donc pour des politiques publiques favorisant l’inclusion des femmes dans le sport. 

 De plus, la CLEF lutte pour la sensibilisation, la détection et la protection des sportives qui subissent des violences physiques, psychologiques et sexuelles. 

 Dans un milieu encore largement dominé par les hommes, l’accès des femmes aux postes de direction est restreint, et la CLEF milite pour la parité au sein des instances sportives. 

 Parallèlement, elle lutte contre la traite des athlètes à des fins d’exploitation sexuelle, intégrant ainsi sa combat contre la prostitution. 

Bien que le sport puisse être un vecteur d’autonomisation, il demeure un environnement où discriminations, stéréotypes et violences persistent. 

Le 27 aout dernier, Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les violences contre les filles et les femmes, ses causes et conséquences a rédigé un rapport nommé “La violence à l’égard des filles et des femmes dans le sport” dont voici un résumé : 

I./ Exclusion des femmes des milieux sportifs et inégalités persistantes : 

Globalement, la participation des femmes et des filles aux sports, tant au niveau amateur que professionnel, reste inférieure à celle des hommes. Plusieurs facteurs contribuent à cette sous-représentation, notamment la pauvreté, l’absence de modèles féminins, un accès limité aux infrastructures et aux ressources d’entraînement, ainsi que des barrières sociales et culturelles. Par exemple, certaines croyances culturelles associent la pratique sportive à la perte de la virginité. De plus, les femmes assument souvent des responsabilités domestiques accrues et sont découragées par le manque de perspectives financières. 

Les jeunes athlètes, notamment les filles, sont souvent négligées, avec un manque d’attention et de soutien. Une étude montre que 35,7 % des athlètes âgé·es de 14 à 17 ans ont subi de la négligence : “la négligence a été définie comme un manque de soins raisonnables de la part d’une personne chargée de s’occuper d’un enfant, entraînant la non-satisfaction des besoins fondamentaux de ce dernier et le manque d’attention et de soins“. Les postes de direction dans les organismes sportifs sont largement occupés par des hommes, et les femmes sont souvent marginalisées. Le sport reflète ainsi les structures sexistes de la société, où les athlètes féminines sont subordonnées aux athlètes masculins. Le manque de cadres juridiques et de politiques visant à combattre la violence sexiste dans le sport aggrave cette situation. Les déséquilibres de pouvoir entre athlètes et entraîneurs, notamment chez les enfants, augmentent les risques de violences, tandis que la culture du silence persiste, alimentée par des normes sociales et des objectifs de performance qui relèguent la protection au second plan.

Les filles et les femmes sont souvent exclues de l’accès au sport. , En Afghanistan, pratiquer un sport est interdit aux filles et aux femmesde leur sexe. Dans l’ensemble des pays du monde, les stéréotypes sexistes , souvent renforcés par les médias, peuvent être internalisés et conduire les filles et les femmes à moins se diriger vers certaines activités sportives.

L’injustice dans les compétitions sportives est exacerbée par les politiques qui permettent aux hommes s’identifiant comme femmes de concourir dans des catégories féminines, privant les athlètes femmes d’une concurrence équitable. 

Malgré ces défis, il manque encore des données et des ressources suffisantes pour développer des politiques efficaces en faveur de la participation des femmes. Cependant, certaines initiatives ont réussi à traiter ces enjeux en utilisant le sport comme un outil pour promouvoir l’égalité des sexes.

II./ Violences sexistes et sexuelles dans le milieu sportif et culture de l’impunité : 

Les athlètes femmes subissent de nombreuses formes de violences. Cela inclut la violence physique, à laquelle les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables, surtout lorsqu’elles doivent partager des espaces sportifs avec des hommes.  Les femmes athlètes sont également exposées à des violences économiques, leur revenu étant souvent très inférieur à celui  des hommes, et subissant un contrôle abusif de leurs revenus. Elles peuvent être contraintes de signer des contrats avantageant des managers, agents ou organisations sportives qui les exploitent en prenant une part excessive de leurs gains, réduisant ainsi leur sécurité et autonomie financière. Attirées par la promesse d’une carrière sportive lucrative, elles se retrouvent souvent avec des ressources limitées, contrôlées par les autorités sportives et les entraîneurs. De plus, ces personnes ou organisations profitent de leur image sans leur accorder une rémunération équitable. Par ailleurs, les ressources comme les bourses sont distribuées de manière inégale entre les hommes et les femmes, au fort avantage des hommes. La violence en ligne, sous forme de harcèlement sexuel, raciste et misogyne, constitue une autre manifestation des discriminations vécues par les athlètes femmes, nuisant à leur santé mentale, leur ‘image publique et à leur performance. Le contrôle coercitif dans le sport est très présent. Il vise à restreindre l’autonomie des athlètes, particulièrement des femmes, à travers l’isolement, la manipulation psychologique, et la gestion stricte de leur alimentation et entraînement. Ce phénomène est accentué chez les femmes non blanches, notamment dans les compétitions où des restrictions sont imposées sur leurs cheveux. Le harcèlement et les violences sexuelles sont très répandus dans le sport, affectant 21 % des filles dans le monde ont subi une forme d’abus sexuel au moins une fois dans leur enfance dans le contexte du sport selon l’UNESCO. De nombreuses affaires de violences pédocriminelles perpétrées par des entraîneurs contre des athlètes filles  ont été documentées à l’international. Les athlètes femmes sont aussi vulnérables à la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Ce risque est particulièrement élevé dans des sports comme le football féminin, notamment pour celles venant de régions où la participation des femmes est mal vue. Certaines athlètes sont victimes de traite pour exploitation sexuelle, contraintes à se prostituer, ou subissent des viols et des avortements forcés. 

Les femmes dans le sport subissent une surveillance accrue de leurs corps, avec des règles vestimentaires souvent plus strictes que pour les hommes. Par exemple, avant 2012, les joueuses de beach-volley devaient porter des bikinis tandis que les hommes portaient des shorts. La violence envers les femmes dans le sport est exacerbée par une culture qui valorise la masculinité, la puissance et la victoire, souvent au détriment du bien-être et de la santé mentale. Cette culture normalise le harcèlement et la violence, tandis que les normes sexistes rigides et l’entre-soi masculin renforcent ces dynamiques. Divers acteurs contribuent indirectement à la violence envers les femmes dans le sport, comme les commentateurs, administrateurs, décideurs, concepteurs de programmes sportifs, les médias, les supporters, les organisateurs, les arbitres et la société en général. Un “effet spectateur » est fréquemment observé, où de nombreux hommes restent silencieux face au mépris ou au harcèlement des femmes.

Les violences psychologiques, souvent sous forme d’humiliations verbales ou d’exclusion, sont fréquentes dans le sport et touchent particulièrement les athlètes femmes . Ces violences entraînent de graves conséquences sur la santé mentale et physique des victimes, notamment des troubles alimentaires, de l’anxiété et des pensées suicidaires.

Des “contrôles de féminité” invasifs ont souvent été imposés aux athlètes, portant atteinte à leur dignité. Ces contrôles servent à déterminer si une sportive est bien de sexe féminin. Bien que ces tests puissent être nécessaires dans certains cas pour des raisons d’équité, certains ne respectent pas les droits fondamentaux des athlètes. Certains athlètes ont subi des violences consistant à leur imposer, comme condition de participation à des épreuves sportives, des contrôles de féminité invasifs effectués sans leur consentement et des interventions médicales inutiles. Ces pratiques privent les athlètes, de leurs droits, de leur dignité et de leur intégrité personnelle, et portent atteinte à leur droit au meilleur état de santé physique et mentale possible.

Les athlètes femmes subissent également une discrimination liée à leur capacité de procréation, avec des inquiétudes concernant la réaction des entraîneurs face à la grossesse. La gestion du sport est encore largement influencée par des structures patriarcales, ce qui complique l’application du principe de responsabilité et le traitement des violences abus sexuelles. Les politiques spécifiques mises en place sont souvent insuffisantes. Les femmes issues de minorités ou victimes de discriminations multiples sont particulièrement exposées à la violence et aux inégalités dans le milieu sportif. Les athlètes qui expriment des préoccupations liées à la sécurité ou à l’égalité, notamment en lien avec l’inclusion d’hommes dans des compétitions féminines, ou celles qui dénoncent des violences sexistes et sexuelles, sont souvent réduites au silence ou menacées de perdre des opportunités professionnelles. Les systèmes de traitement des plaintes, souvent confidentiels, permettent aux auteurs présumés de continuer leurs activités sportives sans conséquences immédiates, alimentant un sentiment d’impunité.   

En réponse à ces défis, certains pays comme la France, le Chili ou la Tchéquie ont comblé certaines lacunes juridiques en en renforçant les mécanismes de signalement relatifs au harcèlement sexuel dans le milieu sportif. Plusieurs pays et fédérations ont adopté des codes de conduite et des campagnes de sensibilisation ont été menées pour lutter contre la violence sexuelle et encourager les témoins à intervenir.

III./ Des structures et normes sportives largement dirigées par des hommes : 

Les filles et les femmes sont rarement consultées lors de l’élaboration des politiques sportives, notamment sur la séparation des sexes dans le sport. Lorsqu’elles revendiquent leur droit à des espaces ou compétitions réservées aux femmes, elles subissent souvent des réactions négatives. Cependant, dans certains domaines, leur participation constructive a eu des impacts positifs, notamment sur les politiques de congé de maternité et les fonds destinés aux sports féminins. Par exemple, en 2020, la Women’s National Basketball Players Association a négocié une augmentation salariale de 53 % et un plein salaire pendant le congé parental. En Arabie Saoudite, la stratégie nationale de développement a entraîné une hausse significative du nombre de femmes pratiquant des sports (+150 %) et du nombre d’entraîneuses (+800 %).

La violence contre les femmes dans le sport limite leur accès aux postes de direction et à d’autres opportunités professionnelles. Seulement 10 % des organisations sportives mondiales sont dirigées par des femmes. Certains pays, comme la Bolivie et le Portugal, ont renforcé la participation des femmes dans les processus décisionnels sportifs, mais il reste des lacunes importantes en termes de données et d’analyses intersectionnelles. Des initiatives prometteuses existent, telles que la création de commissions spécialisées en Irlande et au Salvador et des plans d’action pour la participation des femmes en Malaisie et aux Fidji. En outre, la Fédération espagnole des sports de montagne et d’escalade a, pour la première fois en 100 ans, nommé une vice-présidente chargée de l’égalité et de la parité. 

IV./ Cadre international des droits humains : 

Les droits humains des femmes, notamment en matière de sport, sont ancrés dans des instruments internationaux tels que la Déclaration universelle des droits humains  et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes de 1979. Ces textes obligent les États à éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans les activités récréatives et sportives, garantissant aux femmes une participation égale et sécurisée.

L’article 13 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes impose aux États de garantir que les femmes puissent participer aux sports sur un pied d’égalité avec les hommes. L’article 3 de la Déclaration universelle des droits humains dispose que les femmes doivent être protégées contre toute forme de discrimination et jouir du droit à la dignité, y compris dans le domaine sportif. En outre, l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques  garantit le droit à la vie privée, qui est compromis dans des environnements sportifs mixtes imposés, comme les vestiaires.Enfin, des initiatives récentes, comme la Déclaration de Beijing et la résolution du Conseil des droits humains des Nations Unies, reconnaissent l’importance du sport dans l’autonomisation des femmes et des filles. Ces documents exhortent les États à promouvoir activement la participation des femmes dans les activités sportives, à travers des politiques inclusives et non sexistes.

Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée de 2004 offre un cadre important pour la lutte contre la traite des personnes, y compris la protection des filles et des femmes athlètes. Bien qu’il ne soit pas spécifiquement destiné à ce groupe, il contribue à prévenir l’exploitation et les atteintes aux droits des athlètes en incriminant la traite, en imposant des mesures préventives et en garantissant un soutien aux victimes.

Les Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), en particulier la Convention sur le travail forcé de 1930 (n° 29) et son protocole de 2014, ainsi que la Convention de 1957 sur l’abolition du travail forcé (n° 105), établissent des protections juridiques pour les athlètes, y compris les femmes. Le travail forcé est défini comme tout travail exigé sous menace de peine et sans consentement libre.  Ces conventions visent à prévenir et sanctionner de telles pratiques, en particulier pour les athlètes susceptibles d’être victimes de la traite.

La Convention relative aux droits de l’enfant de 1990 constitue un cadre essentiel pour la protection des droits des enfants dans le sport. Elle souligne leur droit à jouer et à participer à des activités récréatives dans des environnements sûrs, tout en protégeant contre les violences, la négligence et l’exploitation. Les États sont tenus d’assurer l’égalité des chances pour tous les enfants dans les activités sportives, favorisant ainsi leur développement. Les enfants doivent également être protégés contre le travail des enfants, qui nuit à leur dignité et à leur développement physique et mental, ce qui va à l’encontre de leur intérêt supérieur. Les activités qui exploitent les enfants à des fins économiques compromettent leur droit à une enfance épanouissante et à un développement sain.

Ces instruments internationaux sont cruciaux pour garantir la sécurité et les droits des femmes et des enfants dans le sport. Ils visent à éliminer la traite et le travail forcé, tout en assurant un environnement sportif qui respecte la dignité et les droits fondamentaux de tous les participants. 

Selon le droit international, un traitement différencié basé sur des critères interdits peut être justifié s’il repose sur des critères raisonnables et objectifs, vise un but légitime et respecte le principe de proportionnalité. Le maintien de la séparation des sexes dans le sport doit être  vu comme une mesure proportionnelle, justifiée par des objectifs légitimes d’équité et de sécurité. Cependant, cela ne doit pas conduire à l’exclusion des personnes transgenres des activités sportives. Pour garantir une participation équitable des personnes transgenres, il est suggéré de compléter la séparation des sexes par d’autres mesures, comme l’établissement de catégories ouvertes. Plusieurs associations sportives professionnelles ont commencé à adopter ces approches, permettant ainsi de respecter les principes d’équité tout en favorisant une participation inclusive. 

V./ Conclusion et recommandation : 

Pour augmenter la présence des femmes dans le sport, il est essentiel de créer des programmes de mentorat pour former les futures dirigeantes et ainsi atteindre la parité dans les instances de gouvernance sportive. En outre, il est crucial d’obtenir des données complètes sur les facteurs qui exposent les filles et les femmes à la discrimination et à la violence. Cela implique plusieurs actions : 

  1. Prioriser des évaluations stratégiques pour identifier les lacunes dans les politiques de lutte contre la violence, en se concentrant sur des sujets tels que le discours de haine et les méthodes de violence sexuelle, tout en s’assurant que les études incluent des échantillons variés pour représenter la diversité des athlètes.
  2. Utiliser la recherche pour évaluer les avancées réalisées dans la prévention de la violence et dans la protection des droits des filles et des femmes.
  3. Mettre en œuvre les recommandations du Plan d’action de Kazan pour établir un observatoire mondial dédié à la promotion de la participation des femmes dans le sport, à la lutte contre la violence basée sur le genre, et au suivi des progrès.  
  4. Encourager un dialogue international entre les acteurs et actrices du sport pour partager des défis, des meilleures pratiques et des informations essentielles, afin de garantir la sécurité de toutes les personnes impliquées dans le sport à l’échelle mondiale.