Le Lobby Européen des Femmes a écrit un Manifeste pour les élections européennes de 2024
15 avril 2024Revue de presse féministe & internationale du 20 au 26 avril
26 avril 2024Revue de presse féministe & internationale du 13 au 19 avril
FRANCE
#Metoohôpital, briser l’omerta sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu hospitalier.
La parole se délie dans les hôpitaux français : le corps médical féminin est à bout de souffle, ne pouvant plus supporter la systémicité des agressions et harcèlements sexuels ni les propos sexistes sous couvert d’humour. Depuis quelques jours, le #Metoohopital est en boucle sur les réseaux sociaux, de quoi combattre “un des bastions du machisme les plus férocement défendu” selon Anne-Cécile Mailfert sur X, présidente de la Fondation des Femmes.
Dès novembre 2020, la Professeure Karine Lacombe, actuelle cheffe de service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine de Paris, avouait au journal Le Monde avoir été victime d’agressions sexuelles par son ancien chef de service. Elle relèvera dans son ouvrage paru en 2023, “Les femmes sauveront l’hôpital”, les mains baladeuses entre les cuisses ou sur la poitrine, les regards insistants, les blagues grivoises de ce “prédateur sexuel”, comme elle le définit. C’est le mercredi 10 avril 2024 qu’elle nomme son agresseur, Patrick Pellou, dans un entretien à Paris Match. Son courage a alors permis aux autres professionnelles de santé de briser l’Omerta, sur les réseaux sociaux sous le #Metoohopital ou via les appels à témoignages des syndicats.
En 2021 et 2022, des enquêtes réalisées par l’Association nationale des étudiants en médecine (Anemf) et la Fédération nationale des étudiant.es en sciences infirmières (Fnesi), allarmaient déjà sur l’omniprésence du sexisme et du harcèlement sexuel en hôpital. 38,4% des étudiantes en médecine disaient avoir subi du harcèlement sexuel au cours de leurs stages hospitaliers, une étudiante en médecine sur deux subit des propos sexistes et une étudiante infirmière sur six subit des aggressions sexuelles. Le sexisme ne s’arrête évidemment pas à l’obtention de leur diplôme puisque 78% des femmes médecins se déclarent victimes de comportements sexistes de la part de leurs collègues (selon le baromètres de l’association Donner des ELLES à la santé publié en 2021).
Comme dans la plupart des milieux épris de sexisme systémique, le silence est sous couvert de peur. Les équipes se soutiennent, les quelques femmes courageuses qui dénoncent les agissements sont priées de se taire, notamment car “il nous manque des médecins, ce sera ta parole contre la sienne” (témoignage sur TV5 France). En effet, le milieu hospitalier est aussi victime de maltraitance institutionnelle qui ne fait qu’encourager les autres formes de violences ou pressions psychologiques. Les agissements sont également banalisés par cette “culture carabine”, que l’association Osez le féminisme présente comme “servant à justifier des violences sexistes et sexuelles en minimisant leur ampleur et en cultivant l’omerta pour réduire au silence les victimes”. Ces mêmes victimes minimisent aussi leur expérience par rapport à la souffrance de leur patient·es. Comme l’explique la journaliste Cécile Andrezejewski dans son ouvrage Silence sous la blouse qui dénonce cette abnégation, une femme victime peut injustement se dire “oui, mon chef me met des mains aux fesses mais par rapport à ce que vivent mes patients, ce n’est pas grave”.
Sous le dôme du silence, la plupart des agresseurs ne se cachent pas. “Le chirurgien était connu pour avoir des aventures avec des élèves infirmières”, témoigne une aide-soignante à TV5 Monde, “il racontait tout dans les détails”. Sur X, Anne-Cécile Mailfert explique avoir porté plainte en 2015 pour “insultes à raison du sexe” contre une fresque dépeignant le viol collectif de l’ancienne ministre de la santé sur le mur d’une salle de garde. S’en est suivie une vague de cyberharcèlement de la part des médecins, diffusant son contact, la menaçant et l’insultant, qu’elle estime être l’harcèlement le plus violent qu’elle a subi. Toute cette haine pour protéger l’impunissable, le confort dominant.
Vendredi 12 avril, le ministre de la santé Frédéric Valletoux a réagi sur X : “le sexisme et les violences sexuelles n’ont pas leur place à l’hôpital. (…) Aucun écart ne doit être toléré !” Cela fait des années que “l’institutionnalisation des violences sexistes et sexuelles” (expression d’Osez le Féminisme!) sévit dans ce milieu, il est grand temps d’y remédier sérieusement.
TV5 Monde, « #Metoohôpital : les professionnelles de santé contre les agressions sexuelles », 16 avril 2023.
Paris Match, « #Metoo à l’hôpital: Patrick Pelloux dans la tourmente », 10 avril 2016.
X, @AnneCMailfert
SUISSE
Une association d’aînées suisses pour la protection de l’environnement obtient gain de cause devant la CEDH.
L’association Suisse Aînées pour la protection du climat a eu gain de cause devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Un grand exploit pour la protection de l’environnement !
Créée en 2016, l’objectif de cette association de femmes âgées Suisse est de mener des actions en justice en faveur du climat et de sensibiliser le publique à ces questions. Dès sa création, leur premier recours a été envoyé au Tribunal fédéral Suisse en 2016 afin de dénoncer l’insuffisance de réduction de CO2 pris par le gouvernement suisse par rapport à l’objectif de l’accord de Paris de 2015 de ne pas dépasser les 2 degrés de réchauffement. Tout comme les citoyens néérlandais en 2013 ou l’Affaire du siècle de 2018 en France, elles s’inscrivent dans une vague de poursuite collective de l’Etat en justice pour inaction climatique.
En mai 2020, les Aînées pour la protection du climat étaient 1800 femmes, en moyenne âgées de 73 ans. Les profils sont variés, parlementaire, écrivaine ou ancienne travailleuse sociale, elles alertent sur les conséquences du réchauffement climatique sur les souffrance respiratoires des séniores. En effet, selon la co-présidente Anne Mahrer, “en cas de canicule, la mortalité des femmes de plus de 75 ans est le double de celle des hommes séniors”.
Après avoir été rejetées de leur demande par le Tribunal fédéral Suisse au printemps 2020, les aînées ont finalement saisi la CEDH. Les juges européens leur ont donné gain de cause en constatant une violation de leur droit à la vie privée et familiale, inscrit à l’article 8 de la Convention, “qui englobe un droit pour les individus à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie”. Il existe donc un droit à une protection effective par les Etats contre les effets néfastes du changement climatique sur la santé, notamment eut égard à leurs engagements internationaux.
Alors que cette décision est un véritable tournant pour le droit environnemental, l’association a pu transmettre un message inspirant : il n’y a pas d’âge pour marquer l’histoire, protéger les aînées et les générations futures.
RadioFrance, « Des grands-mères suisses s’engagent pour la défense du climat », 18 janvier 2021.
TV5 Monde, « Réchauffement climatique : les mamies font de la résistance », 1 avril 2024.
Actu Environnement, « Les États doivent assurer une protection effective contre le changement climatique, selon la CEDH « , 9 mars 2024 .
ETATS-UNIS
Les tenues des athlètes pour les JO jugées inadaptées pour la pratique sportive et sexistes !
Jeudi 11 avril, l’entreprise Nike a publié sur les réseaux sociaux les photos des tenues de compétition des sportifs et des sportives pour les JO 2024, qui vont se dérouler dans quelques mois à Paris. Le décalage entre les tenues des athlètes femmes et des athlètes hommes a fait scandale sur les réseaux sociaux ! Encore un exemple flagrant de sexisme !
Aujourd’hui, dans notre société patriarcale et sexiste, toutes les femmes sans exception, qu’elles soient jeunes ou âgées, mariées ou célibataires, artistes ou pharmaciennes, et apparemment qu’elles soient athlètes de haut niveau ou non, elles sont toutes ramenées à leur corps . Les femmes sont constamment sexualisées dans l’espace public, et Nike en a fait jeudi une démonstration flagrante !
L’image publiée fièrement sur les réseaux sociaux par la marque nous montre les deux tenues destinées aux sportif·ves pour les JO. A gauche la tenue dite masculine : un t-shirt rouge et un short descendant mi-cuisse, et à droite la tenue dite féminine : une combinaison rose avec une fermeture éclair au niveau de la poitrine (au cas où la sportive souhaiterait s’aérer la poitrine, ces messieurs pensent vraiment à tout !) et une culotte si échancrée qu’elle couvre à peine le pubis !
Au-delà des stéréotypes sexistes des couleurs choisies : bleu pour les garçons et rose pour les filles, le choix du design des vêtements est révélateur de ce que l’on attend des sexes en société de façon générale. Les hommes semblent presque dénués de corporalité, l’attention est mise sur leur performance sportive. A l’inverse, la tenue dessinée pour les femmes montre bien qu’avant la performance, c’est le corps que l’on regarde, et ce corps doit être exposé ! Peut-être serait-il temps aujourd’hui d’accorder la même valeur aux performances qu’elles soient réalisées par les athlètes qu’il soit homme ou femme.
L’entreprise s’est défendue en affirmant que les tenues avaient été conçues en laboratoire afin de maximiser la performance des athlètes en se basant sur leurs ressentis, selon Libération. En voyant les images des tenues on s’étonne donc naïvement d’apprendre que les hommes et les femmes pratiquant le même sport puissent avoir des ressentis si différents que cela justifie que les hommes aient des shorts mi-cuisse et les femmes des culottes échancrées. Nous sommes ravies d’apprendre qu’un conseil d’experts scientifiques aient pu déterminer après des mois et des mois de travail qu’une culotte échancrée rose était vraiment la meilleure alternative pour une course féminine réussie. D’ailleurs, sans couleur rose, les femmes courent moins vite, c’est connu. Ce conseil de scientifiques devait sûrement d’ailleurs bien manquer de femmes pour qu’une idée comme celle-ci puisse être retenue !
Libération, « Paris 2024 : « issues des forces patriarcales », « pas faites pour la performance » … Les tenues des américaines critiquées », 14 avril 2024.
FRANCE
Le traitement judiciaire des violences sexistes et sexuelles.
En avril 2024, l’Institut des Politiques Publiques a publié une note sur l’inadéquation du système judiciaire en France et de son traitement des violences faites aux femmes. Le tabou sur ce sujet a été levé depuis #MeToo, les femmes victimes de violences parlent, dénoncent, témoignent et l’Etat a pris la mesure de la situation et a mis en place des politiques publiques. Pourtant, le système judiciaire reste récalcitrant à condamner les auteurs de violences.
La note rédigée par Maëlle Striot montre que les condamnations pour violences conjugales tendent à être davantage condamnées, alors que les plaintes pour violences sexuelles sont pour beaucoup classées sans suite pour manque de preuves, alors que le coupable est connu et identifié par la police. Malgré une amélioration, 72% des violences conjugales restent classées sans suite, et quant aux violences sexuelles, le chiffre reste stable : 86% des violences sexuelles sont classées sans suite. De 2012 à 2020, la part des viols classés sans suite est passée de 82% à 94%.
Dans ces affaires, 94% des coupables de violences sexuelles sont des hommes, et dans le cas des violences domestiques, ils représentent 88% des coupables. Et, 87% des victimes sont des femmes.
Les condamnations sont très faibles puisque seulement 14% des plaintes pour violences sexuelles des poursuites judiciaires sont engagées. Il y a une décision de culpabilité dans 13% des cas de plaintes pour violences sexuelles, ce qui signifie que lorsque des poursuites sont réalisées, la culpabilité est presque toujours prouvée. Pourtant, seulement 2% des plaintes aboutissent à de la prison ferme. 9% aboutissent à des peines avec sursis, et 2% ne font pas l’objet d’une peine de prison.
Dans le cas des violences conjugales, 28% des plaintes aboutissent à des poursuites judiciaires, avec une décision de culpabilité dans 27% des cas. 24% se voit puni d’une peine de prison, mais avec seulement 4% de ferme.
Les plaintes pour violences sexuelles et violences conjugales sont donc pour beaucoup classées sans suite car les magistrats estiment qu’il n’y a pas suffisamment de preuves, alors que les classements sans suite pour les autres affaires sont majoritairement dues au fait que l’on ignore le coupable. Cela montre bien dans quelle mesure les magistrats sont récalcitrants à enclencher des poursuites, alors que dans l’extrême majorité des cas, la culpabilité est démontrée par l’enquête. Il est aujourd’hui absolument nécessaire que le système judiciaire, des policiers aux magistrats, prennent davantage en compte la parole des femmes qui témoignent de violences sexuelles et/ou conjugales, et que la proportion de poursuites engagées soient beaucoup plus importantes dans les années avenir. Il est inhumain de priver les victimes de la justice qu’elles méritent.
Institut des Politiques Publiques (IPP), « Le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales en France », avril 2024.
La vie en rouge, un podcast réalisé par des survivantes de la prostitution.
TW. Inceste, viol, proxénétisme.
L’association Le Mouvement du Nid a réalisé un podcast en 18 épisodes qui laisse des femmes survivantes de la prostitution témoigner de leur vie, de leur entrée dans la prostitution, des violences qu’elles y ont vécu et de leur parcours de sorti. Elles sont 7 femmes, âgées de 22 à 67 ans et elles nous livrent directement leur précieux témoignage. Le podcast est important car il brise le tabou de la prostitution et remet en cause les préjugés sur les personnes prostituées. Non, les personnes en situation de prostitution n’aiment pas la violence. Non, elles ne se prostituent pas parce qu’elles le veulent. Non, la prostitution n’est pas un choix.
Dans le premier épisode du podcast, deux jeunes femmes dialoguent de leur vie avant la prostitution, de la violence des foyers dans lesquels elles ont grandis, des viols qu’elles y ont subi de la part des membres de leur famille. Elles expliquent que l’entré dans la prostitution n’est pas un choix mais le résultat de l’intériorisation et de la banalisation de la violence sexuelle à laquelle elles avaient été exposées.
Dans le deuxième épisode, elles racontent les mécanismes mis en place par les proxénètes, ou « loverboys », qui disent les aimer mais qui exploitent les blessures qu’elles ont gardé de leur enfance, qui les droguent et les prostituent. La prostitution n’est pas un choix. Elles ne se sont pas prostituées, elles ont été prostituées.
Le troisième épisode est un message d’espoir qu’elles envoient à toutes les personnes en situation de prostitution. Elles expliquent comment le féminisme les a aidées, comment il leur a permis de prendre conscience de la situation d’exploitation dans laquelle elles étaient, et leur a permis d’emprunter la route des parcours de sortie.
Si vous connaissez une personne en situation de prostitution ou que vous êtes vous-mêmes en situation de prostitution, vous n’êtes pas seul·es. Vous pouvez vous tourner vers les associations militantes (cliquez ici pour être redirigé vers le formulaire de contact du Mouvement du Nid).
Cliquez ici pour écouter le podcast !
L’équipe féminine de football Brésilienne refuse le retour de l’entraîneur Santos Kleiton Lima, accusé d’harcèlement sexuel et moral.
Ce week end, à l’occasion du championnat brésilien, les joueuses de plusieurs équipes de football ont protesté contre le retour de l’entraîneur Kleiton Lima, accusé d’harcèlement sexuel et moral par 19 femmes.
Après plusieurs mois d’absence, l’entraîneur a été accueilli par une rangée de joueuses de l’Atlético Mineiro et de l’América Mineiro se couvrant la bouche lors du retentissement de l’hymne national. Alors qu’elles devaient disputer un match, les deux équipes se sont jointes afin de dénoncer le manque d’écoute de la part de leur fédération. Ce même geste de protestation a été repris lors d’un match opposant le club Santos et le Corinthians. Certaines joueuses ont également inscrit le n°19 sur leur maillot, en référence aux 19 lettres anonymes accusant l’entraîneur d’harcèlement sexuel et moral auprès du conseil d’administration du club Santos.
Alors que l’entraîneur avait déjà quitté le club en septembre 2023 lorsque les allégations avaient été rendues publiques, Kleiton Lima a repris ses fonctions au début du mois d’avril pour manque de preuve. Selon la coordinatrice de la section féminine de football du club, “il s’agissait d’arguments extrêmement faibles et fragiles qui ont inutilement terni l’histoire de Santos”. Même si la parole des victimes n’est toujours pas écoutée, les gestes des joueuses l’ont été. Lundi 15 avril, l’entraîneur a finalement déposé sa démission, afin de “préserver sa famille, son intégrité et le club de Santos en lui-même”. Clamant toujours à l’innocence, le sexisme ambiant dans le milieu du football n’aide pas non à la prise en considération des souffrances des victimes. Durant un match à Rio, l’entraîneur de l’équipe de football Vasco da Gana a remis la faute de sa défaite sur le sexe de l’arbitraire : “le football et différent, et le fait que le VAR* soit décidé par une femme me semble assez compliqué”. Ses propos ont suscité un déferlement médiatique et des excuses de sa part. Ainsi, même si le chemin vers l’égalité semble encore long, les footballeuses brésiliennes comptent bien se faire entendre.
*VAR = assistance vidéo à l’arbitrage
Le Parisien, « Brésil : le football féminin s’insurge contre le retour d’un entraîneur accusé de harcèlement sexuel », 14 avril 2024.
Europe 1, « Brésil/Foot féminin : démission de l’entraîneur Kleiton Lima, accusé de harcèlement », 15 avril 2024.
L’Equipe, « Au Brésil, l’entraineur du Vasco de Gama remet en cause la présence des femmes dans l’arbitrage », 18 avril 2024.