Revue de presse féministe & internationale du 3 au 9 février

APPEL AU RASSEMBLEMENT – Journée du 8 mars 2024 – Face aux attaques du gouvernement, des droites et extrêmes droites, partout les femmes résistent !
6 février 2024
Mardi de la CLEF #32 : De la puberté à la vieillesse: comment le temps qui passe se vit dans nos corps de femmes ?
16 février 2024
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Revue de presse féministe & internationale du 3 au 9 février


EUROPE

La directive européenne sur la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques n’incluera pas le viol.

Ce mardi 6 février, l’Union européenne a établi son premier texte législatif pour lutter contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques. Pour parvenir à l’adoption de ce texte, l’article 5 sur l’harmonisation de la criminalisation du viol dans l’UE a été abandonné. 

La question de la notion de non-consentement comme base de définition du viol a fait couler beaucoup d’encre. La directive débattue au sein des institutions européennes depuis mars 2022 était très ambitieuse et a suscité beaucoup d’espoir pour les femmes en France et en Europe. Pourtant, une question a cristallisé le débat et a occulté les nombreuses mesures de la proposition de texte  : l’harmonisation de la définition pénale du viol, et notamment l’inclusion de l’idée de “consentement” dans cette définition. Il est regrettable que cette question ait accaparé toute l’attention publique et médiatique et que le reste des propositions n’aient été que peu discutées. La directive est aujourd’hui vidée de beaucoup de ses propositions protectrices. 

La Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes souhaite donc dans un premier temps mettre en lumière les éléments de la directive qui ont été passés sous silence, et dans un deuxième temps revenir sur les problématiques qui sous-tendent la notion de consentement dans la définition pénale du viol. 

La directive harmonise un certain nombre de violences contre les femmes en apportant des définitions et sanctions plancher communes à l’échelle de l’UE. C’est le cas des mariages forcés, des mutilations sexuelles des filles et des femmes, des stérilisations forcées. 

La proposition de la Commission européenne s’est révélée novatrice, notamment avec la proposition de définitions d’infractions liées aux  cyber violences sexistes et sexuelles,  sujet non traité par la Convention d’Istanbul : le partage d’image à caractère sexuel sans consentement, cyberstalking le cyber harcèlement, et les discours de haine sexiste en ligne. Toutefois, le Conseil de l’Union européenne a ajouté des restrictions dangereuses à ces articles. Nous attendons la publication de la version finale du texte pour prendre la mesure du degré de protection véritablement accordé aux victimes. Le texte fixe comme objectif aux Etats de renforcer l’accès des victimes à la justice et à la protection ainsi que de prévenir au mieux la violence à l’encontre des femmes.  

Sur les mutilations sexuelles, la directive dispose que l’appareil législatif des Etats doit prendre en compte les dommages irréparables causés aux victimes. Elle établit que les mutilations sexuelles sont réalisées dans le but d’exercer une domination et de maintenir un contrôle social et sexuel sur le corps des femmes. Elle dispose également que les Etats doivent mettre en place un soutien spécifique, physique et psychologique aux victimes. Avec une peine maximale d’au moins six ans de prison.

En ce qui concerne le viol, la loi française le définit comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise (article 222-23 du code pénal). S’il est en effet essentiel de comprendre qu’en ayant recours à la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, la victime n’a pas donné son consentement, inscrire textuellement dans la loi qu’un viol serait tout acte de pénétration ou tout acte bucco-génital commis sans consentement, reviendrait pour qualifier un viol à se concentrer sur la victime et non plus sur le comportement de l’agresseur. Il ne s’agirait plus de statuer sur la violence, la contrainte, la menace ou la surprise du comportement de l’agresseur, mais sur le comportement de la victime. Or, dans un procès, il ne s’agit pas, pour qu’un viol soit qualifié comme tel de déployer un raisonnement théorique recourant à une logique formelle inébranlable, mais d’emprunter un raisonnement par la preuve. Le questionnement du consentement lors des affaires de viol peut s’avérer très violent pour la victime, et très difficile à prouver devant une cour de justice.  

Le principal problème du faible taux de 0.6% de condamnation des viols en France ne réside pas dans l’absence de notion de consentement, mais est le résultat de toute la chaîne du système judiciaire, du dépôt de plainte au jugement rendu par la cour de justice, qui refuse de reconnaître aux femmes le statut de victime. Les preuves de viol apportées sont déjà si peu prises en compte, ne laissons pas aux cours de justice davantage d’espace pour culpabiliser toujours plus les victimes en déplaçant la focal des comportements des agresseurs aux leurs. Nous vous conseillons à ce sujet d’écouter la rediffusion sur YouTube de notre Mardi de la CLEF#31 sur le sujet : « Le consentement dans la qualification du viol est-il utile pour les victimes ? ».

Si la CLEF ne se positionne pas favorablement à la définition du viol fondée sur l’absence du consentement des victimes, il nous apparaît important de souligner que le retrait de l’article 5 de la proposition de directive sur les violences contre les femmes et les violences domestiques constitue une terrible opportunité manquée pour toutes les filles et les femmes de l’Union européenne. Harmoniser des éléments importants de la définition pénale du viol comme les peines minimales ou la nécessité pour les Etats Membres de définir cette violence au delà de la violence physique  en incluant des éléments comme la sidération vécue par de nombreuses victimes aurait été extrêmement important.

 

 

 

Parlement européen et du Conseil, « Directive », 8 mars 2022.
Le Monde, « L’Union européenne renonce à la définition communautaire du viol », 5 février 2024.
Le Monde, « La France renonce que la Commission intervienne dans la définition du viol« , 5 février 2024.
Euractiv, « Bruxelles tranche et exclut le viol de la directive sur les violences faites aux femmes », 7 février 2024.

 

INTERNATIONAL

Journée internationale contre les mutilations génitales – déclaration des Nations Unis.

Le 6 février était la journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines et à cette occasion différentes organisations de défense des droits des femmes rattachées à l’ONU ont publié une déclaration sur cette pratique pour qu’elle soit endiguée partout dans le monde. 

La directrice exécutive de l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population), la directrice exécutive de l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), le Haut-Commissaire du HCDH (Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme), la directrice exécutive d’ONU Femmes, et le directeur général de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), ont affirmé leur volonté de mettre fin aux mutilations génitales féminines d’ici 2030.

Les chiffres qu’ils ont rapportés sont effrayants : 200 millions de femmes et de filles vivantes auraient été victimes de cette pratique. Il s’agit d’une estimation, mais il est possible que ce chiffre soit encore plus élevé. En 2024, 4,4 millions de filles risquent de subir cette violence extrême, ce qui correspond à 120 000 chaque jour. Ces instances des Nations Unis rappellent leurs engagements et leur volonté de lutter contre ce fléau.

Pour cela, elles considèrent qu’il est plus que jamais important de laisser parler les victimes de ces violences – qui sont des survivantes, afin de sensibiliser et d’inspirer des actions collectives. Ces femmes sont cruciales dans la stratégie mise en place par les Nations Unis en tant que témoin de la violence qu’elles ont subi au premier chef, et ainsi, sensibilisent à l’abolition de cette pratique.  En raison de leur expérience, elles guident au mieux les entreprises de réparation et de soutien, qu’il s’agisse de réparation physique, psychique ou judiciaire. La volonté des Nations Unies est donc d’investir localement les organisations citoyennes luttant contre cette pratique barbare : dans les espaces de soin, les services sociaux ainsi que les institutions juridiques pour condamner les agresseurs. L’année dernière, le programme a soutenu plus de 11 000 organisations luttant contre les mutilations génitales, dont 83% étaient des organisations locales dirigées par des survivantes.

Les observateur·rices ont remarqué une progression puisqu’en trente ans, dans les trente et un pays présentant des statistiques sur le sujet, 1 fille sur 2 avait subi des mutilations génitales dans les années 1990’, alors qu’on en compte aujourd’hui 1 sur 3. Ce chiffre reste pourtant plus qu’alarmant.  

L’UNICEF souligne que les mutilations génitales féminines sont une violation des droits humains et limitent l’accès des femmes et des filles aux opportunités et aux ressources, mais que si aujourd’hui, la probabilité que les filles se voient contraintes de subir des mutilations génitales a diminué d’un tiers par rapport à il y a trente ans, les progrès devraient être au moins dix fois plus rapides pour parvenir à l’objectif d’une élimination totale d’ici 2030. L’organisation fait également le constat que les filles dont les mères ont eu une éducation primaire sont 40 % moins susceptibles de subir des mutilations que celles dont les mères n’ont aucune éducation. Lutter contre les violences doit donc également passer par l’éducation.

 

 

 

UN Women, « Putting survivors at the forefront of the global movement to end female genital mutilation », 6 février 2024.
UNICEF, « Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines », 6 février 2024.

 

MAROC

La pratique du mariage forcé d’enfants.

Le mariage forcé d’enfants, et notamment des jeunes filles, est un grave problème, très répandu au Maroc, qui affecte la vie de millions de filles et de femmes. En effet, cela les expose à divers risques, tels que la violence domestique, les abus sexuels, les grossesses précoces et la mortalité maternelle. Cette pratique reflète les inégalités profondes entre les sexes, car elle montre que le corps des femmes est quelque chose dont on peut disposer, pour le marier par exemple, sans que le sujet de la volonté de l’individu ne soit soulevé.

Politics4Her et Project Soar ont réalisé une étude conjointe sur la pratique du mariage forcé des jeunes filles encore mineures au Maroc pour mettre en lumière ce phénomène dont on ne parle pas assez.  Ces organisations proposent des recommandations sur la base de cette étude pour éradiquer cette pratique qui va à l’encontre des droits des femmes et des filles à disposer d’elles-mêmes. Nous proposons dans cet article d’exposer les points principaux de ce rapport.

En 2014, le Maroc avait pris des mesures pour limiter cette pratique en retirant l’article 475 du Code pénal qui permettait aux auteurs de viols d’échapper aux poursuites judiciaires en épousant leur victime. Il était nécessaire que cet article soit retiré en raison de la violence qu’il constituait pour les victimes, néanmoins cela ne permet en rien de lutter directement contre le mariage forcé des jeunes filles. De plus, si le Maroc a ratifié différents protocoles et chartes internationales prévoyant l’âge minimum du mariage à 18 ans, il n’a pas modifié ses lois en conséquence, si bien que le mariage des mineur·es est totalement possible et rien ne l’empêche.

L’âge légal est prévu à 18 ans mais des « exceptions » peuvent être faites sur demande des parents ou des tuteurs légaux. Nous mettons le terme « exception » entre guillemet car ces « exceptions » font l’objet de 21 373 demandes chaque année. L’UNICEF rapporte que 18,7 % des femmes marocaines âgées de 20 à 49 ans ont été mariées avant 18 ans et 2,6 % avant 15 ans. 57% des demandes d’ « exception » furent l’année dernière accordée le même jour où elles ont été demandées, 36% ont été accordées dans la semaine et 7% ont excédé une semaine, ce qui montre bien qu’aucune enquête n’est réellement menée. 88% ont été accordées sans que la cour ne sollicite l’assistance des services sociaux, et 91% ont été autorisées sans l’assistance d’un·e professionnel·le de santé. Le résultat de cette pratique est terrible puisqu’en plus du mariage forcé qui constitue déjà une violence en tant que tel, 22% des jeunes interrogées ont reconnu avoir souffert d’autres formes de violences de la part de leur mari ou de la famille de celui-ci.

Dans un état d’instabilité économique les familles confrontées à de grosses difficultés financières recourent parfois au mariage forcé pour alléger leur fardeau économique. Le résultat est désastreux pour ces filles qui deviennent souvent des travailleuses domestiques non rémunérées pour leur belle-famille et sont confrontées à un risque élevé de grossesse précoce et de complications à l’accouchement. Également, ces mariages sont souvent associés à diverses formes de violence, notamment des violences physiques, sexuelles, verbales et économiques.

Ces jeunes filles perdent leur droit à l’éducation et à l’autonomie puisqu’elles poursuivent ou terminent rarement leurs études à la suite d’un mariage. En conséquence de quoi, elles ne peuvent trouver d’emploi, ce qui les rend entièrement dépendantes de leur mari. Elles deviennent des objets domestiques et sexuels et subissent des traumatismes physiques, mentaux et sexuels.

 

 

 

Politics4Her & Project Soar, « ‘Policy brief. Eradicating child mariage », janvier 2024.

 

TURQUIE ET SYRIE

Les conséquences du séisme, un an après. 

Le 6 février 2023, un séisme ravageait la Turquie et la Syrie. Ce tremblement de terre d’une magnitude de 7,8 a fait plus de 50 000 victimes en Turquie et 4 900 en Syrie. Aujourd’hui, les survivant·es doivent se remettre de la catastrophe, ils et elles tentent de se reconstruire mais la situation est très difficile, notamment pour les femmes et les enfants. 

Les régions de Hatay et de Kahramanmaras en Turquie sont devenues des champs de ruine, un an de déblayage n’a pas suffi à dégager tous les gravats. Il en resterait près de 95% à Hatay et 85% à Kahramanmaras. La réparation prend du temps, mais les premiers logements devraient bientôt être attribués via tirage au sort. De nombreuses personnes dorment encore aujourd’hui dans des abris de fortune et les solutions de relogement sont loin d’être suffisantes puisque seuls 7 000 logements sont actuellement terminés. Le chef de l’Etat avait pourtant affirmé en mai avoir démarré la construction de 142 000 logements et espérait que dans l’année 319 000 pourraient être terminés. Les promesses électorales sont difficiles pour les survivant·es qui attendent avec espoir, mais sans solution concrète à l’heure actuelle. 

Le relogement n’est en effet pas pris en charge par les différentes ONG et les Nations Unis. Ces organisations ont néanmoins mis en place de nombreuses actions de soutien immédiat en apportant eau, nourriture, couvertures, premiers secours, … L’OMS rappelle pourtant que les conséquences de ce séisme se feront sentir pendant de nombreuses années et que l’effort et la présence humanitaire ne doivent pas s’endiguer. L’UNICEF prévoit de venir en aide à 1,7 million d’enfants parmi les plus vulnérables en 2024, puisqu’en Syrie, près de 7,5 millions d’enfants sont toujours dans le besoin d’une aide humanitaire et en Turquie, on en compte 3,2 millions. Dans un communiqué de presse, Catherine Russell, la directrice exécutive de l’UNICEF a déclaré que :

« La situation des enfants affectés en Turquie ne cesse de s’améliorer, mais il y a encore beaucoup à faire. […] En Syrie, la situation humanitaire des enfants et des familles continue de s’aggraver. Sans davantage d’efforts humanitaires et de ressources pour rétablir les services essentiels tels que l’éducation, l’eau et les systèmes d’assainissement, les enfants syriens continueront d’être confrontés à un cercle vicieux de privations et de crises. »

La catastrophe se fait sentir sur le long terme, par les enfants notamment, mais également par les femmes qui en subissent aujourd’hui les conséquences de plein fouet. En effet, les hôpitaux pouvant délivrer des soins maternels ont pour beaucoup été détruits, ce qui les laisse dans une situation très difficile, à la fois pour elles-mêmes puisqu’elles sont en besoin de soins maternels, et pour leurs nourrissons en besoin de soins néonataux. L’OMS continue aujourd’hui à fournir des services de santé maternelle et infantile mais espère pouvoir poursuivre sa mission. Il est toujours possible de contribuer, chacun à son échelle en faisant un don.

 

 

Le Monde, « En Turquie un an après le séisme, l’histoire est loin d’être terminée », 6 février 2024.
Nations Unies, « Séisme en Turquie et en Syrie : un an plus tard, les survivants sont loin d’être au bout de leur peine, 6 février 2024.

« Pauvres créatures », Yórgos Lánthimos.

Cette semaine nous vous conseillons de vous rendre dans la salle de cinéma la plus proche de chez vous pour aller regarder le film de Yórgos Lánthimos Pauvres créatures, un film intriguant qui nous invite à douter de nos a priori. 

Cette réécriture moderne et féministe du mythe de Frankenstein présente un personnage décalé et sublime : celui de Bella Baxter, joué par Emma Stone, qui a le corps d’une femme et l’esprit d’une enfant. Comme une enfant, elle s’interroge de tout, et nous avec elle. Elle regarde avec innocence le monde qui l’entoure, surprise et sans manière, elle nous fait voir avec un œil neuf les normes sociales et les évidences qui régissent notre monde – ou plutôt, ce que nous prenons pour des évidences. Si habitué·es que nous sommes à ne pas écouter les enfants ou à rire de leurs élucubrations, nous nous étonnons de prendre au sérieux, surpris mais intéressés, les dires et les idées de Bella. Nous nous mettons à tout questionner avec elle et nous en sortons ravis de voir à nouveau le monde avec la tête pleine de questions, avec nos lunettes bleues, nos lunettes roses qui nous font voir le monde autrement.

Mais ce film dérange, les avis sont partagés et on ne sait quoi en penser. Soit on se laisse porter par la beauté des images et leur poésie, soit on y cherche une rationalité qui n’y est pas avec l’espoir d’y trouver du sens. Si vous allez dans ce but, laissez tomber, mais si vous êtes friands de toutes les formes d’excentricités, courez-y vite !

 

 

 

Télérama, « Pauvres créature de Yórgos Lánthimos, un récit d’émancipation follement amusant ou très irritant« .