Revue de presse féministe & internationale du 8 au 15 décembre

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FRANCE

La constitutionnalisation de l’IVG en marche

Mardi 12 décembre, le projet de loi visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution française a été présenté en Conseil des ministres. Cette première victoire d’étape a été accueillie par les organisations féministes, qui regrettent malgré tout le choix de la « liberté » plutôt que du « droit » à avorter.

Le processus d’inscription de ce droit fondamental dans la Constitution a enfin été lancé en Conseil des ministres ce mardi, comme l’avait déclaré le président Emmanuel Macron le 29 octobre. La ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé a également annoncé la date à laquelle se réunira le Congrès pour le vote final sur ce projet de loi : le 5 mars 2024. Il a également été annoncé que le décret autorisant les sages-femmes à pratiquer les IVG dites « instrumentales » sera publié cette semaine. Les organisations féministes et de défense des droits humains, à l’instar de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), se sont félicitées de ces avancées et du respect du calendrier fixé. Pour rappel, l’année dernière, une proposition de loi avait été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale puis au Sénat, avant que la navette parlementaire soit stoppée. 

La constitutionnalisation de l’IVG, longtemps revendiquée par les militant·es féministes, s’est replacée au centre du débat public à l’été 2022, après l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade aux Etats-Unis, qui garantissait l’accès à l’IVG au niveau fédéral. Cet événement, et les restrictions du droit à l’avortement qui ont suivi dans de nombreux états américains, ont entraîné une réelle prise de conscience dans les pays européens. D’autant plus que plusieurs pays, membres de l’Union européenne, connaissent eux aussi un recul alarmant concernant l’accès à l’IVG : Pologne, Hongrie, Italie… Même en France, l’accès à ce droit est entravé, par exemple avec les fermetures de maternité. Tout cela fait malheureusement écho aux célèbres mots de Simone de Beauvoir, qui déclarait, en 1974, « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis ». Suite à ces événements, plusieurs propositions de loi visant à protéger le droit à l’avortement avaient été déposées à l’Assemblée nationale en France. En février 2023, le Sénat avait, pour la première fois, adopté une telle proposition, remplaçant cependant le « droit » à l’IVG par le terme « liberté ».

Cet aspect sémantique fait aujourd’hui encore débat dans le projet de loi proposé en Conseil des ministres, qui a opté pour la « liberté » plutôt que le « droit », ce que regrettent les organisations féministes. La formation exacte est la suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Cet alinéa serait ajouté à l’article 34 de la Constitution. Selon les organisations de défense des droits humains, notamment la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), le concept de « liberté »  est moins fort juridiquement parlant, et laisse libre interprétation au législateur, qui pourra donc potentiellement restreindre cette liberté. Pourtant, comme le rappelle Sarah Durocher, présidente du Planning familial, « On est dans une situation qui fait que la meilleure écriture est celle qui sera votée le plus rapidement possible et c’est un compromis ».

Cette situation à laquelle se réfère la présidente du Planning familial est le contexte de recul des droits des femmes auquel nous sommes confronté·es depuis une quinzaine d’années, qui concerne particulièrement les droits sexuels et reproductifs. Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, dénonce un « contexte international d’une grande violence et d’attaques coordonnées de mouvements anti-avortement ». Face à cet alarmant recul, la France souhaite se positionner en pays pionnier, en devenant la première nation au monde à protéger l’accès à l’IVG dans sa Constitution. Emmanuel Macron a d’ailleurs déclaré, ce 10 décembre, « Les libertés reconnues aux femmes, que l’on pensait en quelque sorte impossible de faire reculer, sont remises en cause. C’est pourquoi la France se félicite de montrer l’exemple. » S’il aboutissait, ce projet de loi deviendrait un véritable outil dans la diplomatie féministe française. 

Pour aboutir, le projet de loi doit encore passer par deux étapes. Le 24 janvier, il sera examiné à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Enfin, les parlementaires se réuniront en Congrès à Versailles le 5 mars, afin de voter sur l’adoption (ou non) de la révision constitutionnelle. Pour ce faire, la mesure doit être approuvée par un vote à la majorité des trois cinquièmes.



 

20 Minutes, « IVG dans la Constitution : Les parlementaires réunis en Congrès pour voter l’inscription le 5 mars prochain », 13 décembre 2023.
HuffPost, « IVG dans la Constitution : le Congrès se penchera sur un texte qui parle de « liberté » et non de « droit » », 12 décembre 2023.

 


 

JAPON

Jugement historique concernant les violences sexuelles dans l’armée

Ce mardi 12 décembre, le tribunal de Fukushima a rendu sa décision très attendue sur une affaire de violences sexuelles dans l’armée nippone. La victime, Rina Gonoi, avait été la première à dénoncer publiquement et à porter plainte contre les agressions sexuelles qu’elle a subi, entraînant une rare prise de conscience dans tout le pays, où la dénonciation de tels agissements est encore taboue.

L’ancienne soldate Rina Gonoi, âgée de 24 ans, avait quitté l’armée en juin 2022, deux ans après son enrôlement, après avoir été harcelée et agressée sexuellement par plusieurs de ses collègues masculins. Face à l’immobilisme de sa hiérarchie, qui n’avait pas donné de suite à ses signalements, et au rejet de sa plainte par la justice, Rina Gonoi avait pris l’initiative de rendre publique sa situation en racontant son histoire sur les réseaux sociaux. Elle avait également lancé une pétition en ligne réclamant une « enquête équitable, des sanctions et des excuses » qui avait eu un écho international. Face à la réaction de l’opinion publique, le ministère de la Défense s’était vu contraint de rouvrir le dossier et de reconnaître que l’ancienne militaire disait la vérité. 

Rina Gonoi poursuit depuis ses agresseurs ainsi que l’État japonais au civil, afin d’obtenir  des dommages et intérêts. Parallèlement, un procès pénal avait aussi été ouvert contre trois des agresseurs de la jeune femme, accusés d’avoir mimé un rapport sexuel sur elle, en 2021. Pour ces faits, le parquet avait requis deux ans de prison ferme pour chacun des trois anciens militaires. Ce mardi, la justice a finalement condamné Shutaro Shibuya, Akito Sekine et Yusuke Kimezawa à deux ans de prison avec sursis, pour « indécence forcée ». Malgré la clémence de la justice, cette décision est devenue une affaire de jurisprudence historique, à l’impact bien plus large.

En effet, suite aux révélations de Rina Gonoi, une enquête du ministère de la Défense a été lancée. Le panel d’expert·es a dénombré 1325 cas de harcèlement sexuel et d’intimidation. Environ 12% des cas concernaient l’harcèlement sexuel. Plus de 60% des victimes n’ont jamais porté plainte, notamment par peur de représailles. La décision de Rina Gonoi de rendre publique cette affaire a également incité directement d’autres victimes militaires à signaler des cas de harcèlement sexuel et d’autres formes de harcèlement. Certain·es ont déposé des demandes de dommages et intérêts contre le gouvernement, qui aurait étouffé ou mal géré leurs plaintes. Rina Gonoi a réagi en ces mots : « S’il ne s’agissait que de moi, j’aurais peut-être arrêté, mais je porte sur mes épaules les espoirs de tant d’autres, alors je pense que je dois faire de mon mieux ».

La bataille menée par Rina Gonoi, et la décision du tribunal de Fukushima, sont donc des événements importants dans un pays où la dénonciation des violences sexuelles reste encore largement taboue, à l’armée comme dans les autres sphères de la société. En effet, au Japon, qui reste encore très patriarcal, la libération de la parole des femmes autour de #MeToo a été relativement lente. Aujourd’hui, il est estimé que seules 5% des victimes de viol au Japon le signalent à la police, qui n’établit un procès-verbal que dans la moitié des cas. Plusieurs progrès ont néanmoins été observés. En juin, une réforme législative visant à élargir la définition du viol dans le code pénal a été adoptée, et devrait rendre plus facile les actions en justice dans les affaires de viol.



 

 

 

La Presse, « Dénouement d’un procès historique sur des violences sexuelles dans l’armée », 7 décembre 2023
The Guardian, « Rina Gonoi sexual assault: Japan court finds soldiers guilty in landmark case », 12 décembre 2023.

 


 

ÉTATS-UNIS

Un refus judiciaire d’avorter au Texas scandalise le pays

La bataille juridique de Kate Cox, une texane de 31 ans enceinte de 20 semaines, pour pouvoir avorter a choqué une grande partie des américains. Alors qu’une juge l’avait autorisé à avoir recours à un IVG, son fœtus étant atteint d’une maladie grave ne lui laissant aucune chance de survie, la Cour suprême texane a renversé le jugement au dernier moment.

Dans la grande majorité des régimes criminalisant l’accès à une IVG (interruption volontaire de grossesse), les dangers que peuvent encourir l’enfant et/ou la mère font force d’exceptions. Depuis l’abandon de la jurisprudence Roe VS Wade par la Cour Suprême américaine en juin 2022, une vingtaine d’Etat interdisent ou restreignent ce recours. La loi texienne est l’une des plus prohibitives du pays et limite la possibilité d’avorter à de rares conditions : le danger de mort ou le risque grave d’handicap pour la mère. Ainsi, en cas de violences sexuelles ou de danger pour le fœtus, une personne enceinte ne peut légalement mettre fin à sa grossesse. 

Face à l’incertitude de la loi, Kate Cox a donc dû demander la permission d’avorter auprès d’une juridiction. Pour Molly Duane, avocate au Centre des droits reproductifs (Center for Reproductive Rights)  « personne ne devrait supplier pour obtenir la permission de recevoir une intervention médicale recommandée par ses médecins ». Le 7 décembre, la juge de première instance saisie de l’affaire a fait droit à sa demande, décision rare dans un État si restrictif. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi pénale, le 1er septembre 2021, seulement cinquante femmes ont pu bénéficier d’un avortement légal au sein de l’Etat. 

Pourtant, l’affaire a été renvoyée devant la Cour Suprême du Texas par le très conservateur procureur général de cet Etat. Selon lui, Kate Cox ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier d’une exception médicale. La Cour a alors suspendu la décision de première instance. Ainsi, sans même avoir vérifié les conditions de fond, les juges suprême interdisent indirectement à la femme d’avorter. Déjà enceinte de 20 semaines, Cox ne peut se permettre d’attendre que des juges se décident d’examiner son cas médical. Se trouve alors l’absurdité d’un système restrictif de liberté dans lequel les femmes n’ont plus de choix sur leur propre santé ni même sur leur vie. 

Ce type de denis judiciaire ou refus médical n’est plus inédit au Texas. Dans une autre affaire, Amanda Zurawski été destinée à perdre son foetus mais les médecins ont préférés la renvoyer chez elle plutôt que d’effectuer un avortement. Elle a donc dû attendre une dégradation de son état jusqu’à ce qu’elle soit dans une situation de danger de mort pour être prise en charge. Le flou juridique sur les conditions permettant de lever l’interdiction médicale a donc des conséquences dramatiques sur la santé des femmes, autant physique que psychique. En effet, n’étant jamais certain·es d’être légalement apte à procéder à cette intervention, les médecins préfèrent attendre plutôt que risquer la révocation de leur licence médicale et une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 99 ans. 

Kate Cox a fini par quitter le Texas pour pouvoir bénéficier d’une IVG légalement. de nombreuses femmes sont dans le même cas et sont contraintes de prendre la route uniquement pour pouvoir disposer de leur corps. Cependant, certaines ne peuvent se le permettre : trop jeunes pour en parler à leur parent, sous emprise de leur mari, contraintes financièrement… Quoi qu’il en soit, personne ne devrait être forcé de quitter son lieu d’habitation, de dépenser une forte somme ni même d’attendre l’autorisation d’une personne tierce pour pouvoir jouir de ses droits fondamentaux.  Car nous le rappelons : le droit de procéder librement à une IVG est un droit fondamental.



 

 

 

Amnesty international, « Iran. Les forces de sécurité ont eu recours au viol et à d’autres formes de violences sexuelles pour écraser le soulèvement « Femme Vie Liberté » en toute impunité », 6 décembre 2023.
ONU info, « Premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini en Iran : des experts dénoncent la répression accrue contre les femmes « , 14 septembre 2023.
France 24, « En Iran, le viol utilisé pour réduire au silence les prisonniers après la mort de Mahsa Amini », 6 décembre 2021.

 


 

CORÉE DU NORD

Les femmes exhortées à avoir plus d’enfants

Ces images ont fait le tour du monde : Kim Jong Un, en larmes, demandant aux femmes nord-coréennes d’avoir davantage d’enfants, durant la Cinquième conférence des mères les 4 et 5 décembre à Pyongyang. Cet événement reflète la promotion du rôle central des mères, relayée par les médias d’Etat, dans un contexte de baisse de la natalité…et de potentielle succession.

La Conférence des mères en Corée du Nord s’est tenue pour la cinquième fois depuis sa création et la première fois depuis 11 ans. L’événement revêt donc une importance significative, comme en témoigne la présence du leader Kim Jong Un, qui y participait pour la première fois, et qui a même prononcé le discours d’ouverture et le discours de clôture. Le ton a été donné : les mères de famille du pays ont un rôle crucial à jouer pour l’avenir de la société nord-coréenne. Autre indice : une distribution de cadeaux a été organisée lors de la conférence, et Ri Il-hwan, secrétaire du Comité central du Parti du travail de Corée, a affirmé que Kim Jong-un avait « personnellement guidé la sélection des articles et le nombre de cadeaux, en tenant compte du fait que les participantes sont des belles-filles, des épouses et des mères de famille ». L’événement a été relayé par les médias contrôlés par l’Etat, qui promeuvent eux aussi le rôle central des mères. 

Mais c’est le discours d’ouverture de la Conférence des mères qui a fait parler de lui autour du globe : une vidéo de Kim Jong Un, mouchoir à la main, versant théâtralement quelques larmes en évoquant la baisse du taux de natalité. Dans son discours, le premier où il aborde publiquement cette question de natalité, le dictateur a exprimé son intention de « Stopper le déclin du taux de natalité et fournir aux enfants de bons soins et une bonne éducation », une « affaire de notre famille, que nous devrions régler avec nos mères ». Comme l’évoque avec ironie le journal Geo, le leader nord-coréen s’est adressé aux femmes en tant qu’ « utérus de la Nation » en les implorant d’avoir plus d’enfants. Au cas où la séquence émotive n’avait pas suffi à convaincre les femmes présentes, Kim Jong Un a également mis en place plusieurs mesures favorisant les ménages ayant au moins trois enfants : logements ou nourriture gratuits, biens de consommation offerts, « bonus » éducatifs… 

Bien que la Corée du Nord ne fournisse aucune donnée officielle sur le taux de natalité, les expert·es estiment que ce taux est en chute depuis une dizaine d’années. Selon l’agence gouvernementale des statistiques de Corée du Sud, l’indice synthétique de fécondité de la Corée du Nord était de 1,79 en 2022, alors qu’il atteignait 1,88 en 2014. L’inquiétude des dirigeants nord-coréens est facile à cerner lorsque l’on sait que le pays dépend de sa main-d’œuvre, alors que son économie est isolée et sanctionnée. Dans les années 1970 et 1980, Pyongyang avait mis en œuvre des programmes de contrôle des naissances pour maîtriser la croissance démographique post-guerre. Le taux de fécondité avait ensuite connu une chute dans les années 1990, lorsqu’une famine avait causé la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes. Aujourd’hui, l’explication principale de cette nouvelle baisse est la pauvreté, qui contraint les familles à n’avoir qu’un seul enfant.

Mais attention : avoir des enfants c’est bien, avoir des enfants communistes et patriotiques, c’est mieux. Lors de son discours d’ouverture, Kim Jong-Un a évoqué le rôle central des mères dans l’inculcation des idéologies communistes et socialistes à leurs enfants, en déclarant que leur instiller les « vertus socialistes » était « leur tâche révolutionnaire première ». Le dirigeant a également transmis sa vision de l’éducation aux femmes nord-coréennes, en rappelant qu’il ne fallait pas hésiter à « fouetter » les enfants, ou encore à les encourager à s’engager dans l’armée. 

Si le discours de Kim Jong Un, et plus généralement la nouvelle tendance du régime à replacer les femmes -les mères- au centre de ses interventions est évidemment lié au déclin du taux de natalité, plusieurs expert·es avancent une autre explication. Lim Eul-chul, professeur d’études nord-coréennes à l’université Kyungnam de Séoul, avance l’argument selon lequel cette promotion proactive des mères pourrait être liée à Ju-ae, la fille du dictateur. Ju-ae est apparue pour la première fois en public l’année dernière, et plusieurs fois depuis, laissant penser que Kim Jong Un pourrait être en train de préparer sa succession. Yang Moo-jin, professeur à l’université d’études nord-coréennes de Séoul, confirme cette théorie. Promouvoir le rôle des mères et encourager un environnement qui les respecte pourrait contribuer à légitimer la future place de leader de Ju-ae, dans une société encore profondément patriarcale. En effet, si l’article 77 de la Constitution du pays consacre l’égalité de droits entre femmes et hommes, la réalité est différente. Selon le rapport de l’ONG Human Rights Watch en 2022, « les femmes et les filles nord-coréennes font l’objet de violations intenses et généralisées des droits de l’homme, notamment de violences sexuelles et sexistes, d’une discrimination généralisée et de l’application de stéréotypes sexistes rigides ». Les expert·es notent cependant une amélioration dans l’accès des femmes aux postes de direction importants.

 

 



GEO, « En larmes, Kim Jong Un implore les femmes nord-coréennes de faire plus de bébés », 7 décembre 2023.
The Economic Times, « Why North Korean Suprême leader Kim Jong Un is legging and crying in front of women », 6 décembre 2023.
The Korea Herald, « Why Kim Jong-un spotlights mothers« , 6 décembre 2023.

 

 


Txai Surui

Issue du peuple Suruí qui vit au cœur de l’Amazonie brésilienne, Txai Surui est une jeune activiste qui milite pour l’environnement et les droits des peuples autochtones. Elle participait ce mois-ci à la COP28 à Dubaï.

« Nous ne faisons pas que vivre dans la forêt amazonienne, nous en faisons partie »

A 26 ans seulement, Txai Surui est devenue une figure incontournable de la jeune génération en lutte pour le climat. Les médias la surnomment d’ailleurs le « nouveau visage de la lutte climatique » et « la relève du célèbre chef indigène Raoni ». Txai, de son vrai surnom Walela, a rejoint très tôt le combat pour l’environnement, notamment autour de l’Amazonie. Originaire du peuple Suruí dans l’État brésilien de Rondônia, dans la forêt amazonienne, elle est la fille d’un chef de tribu, grande figure de la lutte contre la déforestation de l’Amazonie. Sa mère est également militante de l’environnement. 

« L’activisme n’est pas un choix. Nous combattons parce que nous n’avons pas d’autre choix, et nous devons le faire de la meilleure façon possible »

Dans la lutte pour le climat, Txai Surui est partout. L’activiste indigène a fondé le Mouvement des jeunes autochtones du Rondônia, qui rassemble des jeunes de son État natal. Elle est également la coordinatrice de l’Associação de Defesa Etnoambiental-Kanindé, qui a pour mission la promotion de l’harmonie entre les êtres humains et l’environnement, en œuvrant pour un développement équitable et responsable. Txai Surui est aussi l’une des fondatrices du mouvement écologiste Fridays for Future au Brésil. Dans ce cadre-là, la militante organise des mobilisations contre la déforestation et l’exploitation minière sur ses terres autochtones.

Txai Suruí n’est pas engagée qu’au Brésil. Au contraire, elle parcourt le monde pour faire entendre son point de vue. En 2021, elle avait prononcé l’un des discours introductifs à la COP26 de Glasgow. Depuis, la jeune femme s’est exprimée à la Tribune de l’ONU, et a rencontré de nombreux·ses ministres et décideur·ses politiques à travers le globe.

En parallèle de ses activités militantes, Txai Surui a également suivi des études de droit afin de devenir juriste. Aujourd’hui, elle utilise le droit comme une arme, un outil supplémentaire pour défendre l’environnement. Ainsi, en avril, elle a porté plainte avec d’autres jeunes contre l’État brésilien pour non-respect de ses objectifs climatiques. Leur démarche vise à faire annuler un texte, entré en vigueur en décembre, qui permet à l’État d’émettre plus d’émissions de gaz à effets de serre que promis pour 2030. Huit anciens ministres brésiliens de l’Écologie ont rejoint son mouvement.

Pourtant, si elle représente un espoir pour les jeunes générations, certain·es la voient comme une menace et veulent la faire taire. Elle a expliqué recevoir de nombreux messages à caractère raciste et haineux mais, comme elle le rappelle, « Je n’ai pas peur car ce que vivent les peuples indigènes au Brésil est bien plus dangereux que les messages sur Internet ». Les attaques contre les défenseur·ses de l’environnement sont particulièrement violentes au Brésil. Txai Surui a perdu un ami « à cause de ce combat ». Les communautés autochtones ont particulièrement souffert durant le mandat de l’ancien président Jair Bolsonaro. En 2021, l’ONG Global Witness a recensé 26 assassinats de militant·es écologistes.



 

France 24, « COP26 : Txai Surui, 24 ans, nouveau visage de la défense de l’Amazonie », 12 novembre 2021.
Médias Citoyens, « COP 28 : L’AMAZONIE N’EST PAS EN TRAIN DE MOURIR : ON L’ASSASSINE », 29 novembre 2023.

 

 


Documentaire – Je vous salue salope

Le documentaire choc, réalisé par les québécoises Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist, montre l’ampleur et l’impact de la cyberviolence sur les femmes, principales victimes de cette nouvelle violence propre à l’ère numérique.

Dans ce documentaire, les deux réalisatrices abordent le sujet de la misogynie à l’ère du numérique, et l’impact de la cyberviolence sexiste sur la vie des femmes victimes. Elles veulent sensibiliser au danger de ces pratiques, encore méconnues, qui sont à tort assimilées à un phénomène strictement en ligne : si le harcèlement se fait sur les réseaux sociaux, les insultes et les menaces qui en résultent sont pourtant bien réelles. De plus, la misogynie en ligne s’inscrit dans un continuum de violences, et la majorité des violences du monde numérique continuent dans la vie « réelle ».

« Nous avons choisi de donner la parole aux victimes parce que les agresseurs souhaitent justement les faire taire. »

En réalisant ce documentaire, les réalisatrices se rendent compte du but ultime que partagent tous les agresseurs est de réduire les femmes au silence, définitivement. Pour lutter contre cela, elles donnent uniquement la parole aux victimes, notamment en suivant les histoires de quatre femmes ayant subi du cyberharcèlement.

« Je vous salue salope » prête ainsi le micro à Laura Boldrini, Kiah Morris, Laurence Gratton et Marion Séclin. Laura Boldrini est l’ancienne présidente de la Chambre des députés d’Italie. En accédant à ce poste prestigieux en 2013, elle devient en quelques jours la cible d’un acharnement sur les réseaux sociaux. Des milliers de menaces de viol et de mort lui sont adressées, notamment par des hommes politiques. Aux Etats-Unis, dans des conditions similaires, le cyberharcèlement de Kiah Morris se déclenche après son élection en tant que députée du Vermont. La vague de cyberharcèlement sexiste et raciste est telle qu’elle est contrainte de démissionner après deux mandats. Les témoignages de ces deux femmes montrent à quel point ce phénomène vise et touche les femmes en politique. En France, le documentaire donne la parole à Marion Séclin, comédienne et youtubeuse féministe, qui devient elle aussi la cible de dizaines de milliers de menaces de mort et de viol après avoir posté une vidéo sur le harcèlement de rue. Pourtant, les cyberviolences ne visent pas seulement les personnalités publiques. C’est pourquoi le documentaire suit aussi Laurence Gratton, une enseignante québécoise, victime de cyberharcèlement pendant ses études de la part d’un de ses camarades de classe.

Malgré leurs parcours différents, un point commun réunit ces femmes dans leur lutte contre le cyberharcèlement : l’inaction des forces de l’ordre, de la classe politique et des géants du numérique, qui permet un climat d’impunité des cyber-harceleurs. En France, dans 67% des cas, les policiers ne prennent pas la plainte. C’est ce qui arrive à Laurence Gratton au Québec, que les forces de l’ordre refusent d’aider car cela se passe en ligne. Le sentiment d’insécurité est pourtant bien réel : son agresseur connaît ses coordonnées et s’en sert pour la menacer. Quant aux réseaux sociaux, malgré quelques progrès en Europe poussés par le Digital Services Act (DSA), l’efficacité de la modération du contenu publié reste à prouver. Sur X (anciennement Twitter), il existe un seul modérateur pour la langue française, pour 250 000 utilisateur·ices francophones. Pire encore, on observe une augmentation du cyberharcèlement depuis le rachat de la plateforme par le milliardaire Elon Musk.

Selon une étude de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux, datant de novembre 2023, les femmes sont les premières victimes de cyberviolence. 82% des posts visant des femmes sont à caractère haineux. En outre, les incitations à la violence contre les femmes sont en majorité à caractère sexuel. Selon le rapport, les harceleurs attaquent souvent les femmes en appelant à les abuser ou agresser sexuellement.

« Je vous salue salope » est désormais un must-watch pour toutes et tous, qui sensibilise à l’ampleur et à la gravité de la cyberviolence, qui touche de manière disproportionnée les femmes. Si les violences sont en ligne, les victimes, elles, sont bien réelles.

Retrouvez toutes les informations sur le site du documentaire : cliquez ici.