Revue de presse féministe & internationale du 7 au 13 juillet

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SOUDAN/FRANCE

La CNDA institutionalise les femmes soudanaises non mutilées comme un groupe social au sens de la Convention de Genève.

La Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a annoncé jeudi 6 juillet avoir octroyé le statut de réfugiées à des filles soudanaises exposées à un risque de mutilation sexuelle dans leur pays natal, institutionnalisant ainsi les femmes et filles non mutilées comme un groupe social au sens de la Convention de Genève.

 

La CNDA a statué sur une décision de juin 2022 dans laquelle l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait rejeté la demande d’une mère et de ses filles d’être reconnues comme réfugiées en raison de leur crainte d’être exposées à des mutilations sexuelles au Soudan. La Convention de Genève de 1951, texte international régissant les droits des réfugié.es, définit comme réfugiée toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». La décision d’octroyer le statut de réfugié se base ainsi sur l’élément du groupe social, c’est-à-dire une caractéristique essentielle partagée par tous les membres du groupe.

La CNDA, en s’appuyant sur plusieurs rapports, a démontré la très forte prévalence des mutilations sexuelles féminines (MSF) au Soudan. L’Organisation Mondiale de la Santé définit les MSF comme l’ensemble des interventions pratiquées pour des raisons non médicales sur les organes génitaux féminins, notamment leur ablation partielle ou totale. Les MSF sont classées en quatre catégories. La forme la plus sévère de MSF, la catégorie de type III, appelée infibulation, est la plus pratiquée au Soudan. Les mutilations sexuelles, qu’importe leur catégorie, sont dangereuses pour la santé des femmes et des filles et violent nombre de leurs droits fondamentaux, tels que leur droit à la santé ou à la sécurité. Les MSF violent également le droit des victimes de vivre à l’abri de tout acte de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, puisque cette pratique s’apparente à un acte de torture.

La CNDA s’est appuyée sur le classement de l’UNICEF, dans lequel le Soudan figure parmi les pays à très forte prévalence (plus de 80%). Ainsi, en 2019, 86,6% des femmes entre 15 et 49 ans étaient concernées par ces pratiques. Un premier cadre juridique a été posé en 2020, lorsque le Soudan a criminalisé la pratique des MSF. Pourtant, cette interdiction est restée largement ignorée par la population et le personnel soignant. Les interventions sont en effet réalisées en majorité par des sage-femmes, alors même que le Conseil Médical soudanais n’autorise pas les MSF en milieu hospitalier.

Au sein des communautés du pays, les MSF sont donc une pratique quasi universelle, et la pression sociale est telle qu’il est presque impossible d’y échapper. La décision du CNDA va ainsi dans ce sens, en déclarant que les MSF sont si couramment pratiquées qu’elles constituent une véritable norme sociale. A ce titre, les filles et les femmes non mutilées constituent donc un groupe social, et peuvent solliciter le statut de réfugié en prévalant leur appartenance à ce groupe. Le jugement établit ainsi que les fillettes « craignent avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, d’être persécutées en cas de retour dans leur pays en raison de leur appartenance au groupe social des enfants soudanaises non mutilées ». Bien que la CNDA accordait déjà des statuts de réfugiés selon ce critère, cette décision est historique puisque la Cour institutionnalise pour la première fois les personnes en danger de MSF comme un groupe social en tant que tel.

Pour en savoir plus, retrouvez la décision de la CNDA : cliquez ici.

 

OMS , « Mutilations sexuelles féminines », 31 janvier 2023.

 


FRANCE

Vers un acte II de la loi Sauvadet.

Onze ans après la loi Sauvadet, le Sénat a définitivement adopté, le 6 juillet, une proposition de loi visant à accélérer le processus de féminisation de la haute fonction publique française, en étendant son périmètre jusqu’au cabinet de l’Elysée.

 

La proposition de loi transpartisane avait été déposée en décembre par les sénatrices Annick Billon, Dominique Vérien et Martine Filleul et a reçu un large soutien dans les deux chambres du Parlement, notamment au sein de l’Assemblée nationale où seuls les députés RN s’y sont opposés. Pour rappel, aujourd’hui, près de trois quarts des postes à responsabilité au sein de la fonction publique sont occupés par des hommes, alors que 64% des salarié·es sont des femmes…

Cette loi propose plusieurs mesures phares visant à promouvoir la parité au sein de la fonction publique en améliorant l’accès des femmes aux postes à responsabilité. Le texte reprend certaines recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur l’application de la loi Sauvadet de 2022. Cette loi a mis en place dès 2013 un dispositif de quota de « nominations équilibrées », avec un taux minimal de 40% de femmes parmi les nominations aux postes de direction. Bien que des progrès aient été observés, la parité reste loin à atteindre. Le rapport avait en effet montré que les femmes n’occupaient qu’un tiers des emplois d’encadrement supérieur et dirigeant (ESD) en 2022.

La future loi renforce ces dispositifs en passant le quota de primo-nominations à 50% à partir de 2026, qui sera complété par un quota « dans les stocks » de 40%, qui concernera tous les ESD et pas seulement les nouveaux entrants, dès 2027. Dans les deux cas, des sanctions financières seront appliquées en cas de non-respect des règles.

Une autre mesure prise pour accélérer la féminisation des postes à responsabilité dans la fonction publique est l’extension du périmètre des emplois concernés par les quotas de primo-nominations de 50%. Concernant la fonction publique hospitalière, cette obligation a été étendue aux chefs de service et de pôle. Plus important, le champ d’application a été élargi aux cabinets ministériels ainsi qu’au cabinet du président de la République, qui devront donc tendre vers une parité stricte à partir de 2026. Ce dernier ajout sera particulièrement observé, étant donné que le cabinet présidentiel compte actuellement onze hommes pour seulement deux femmes.

La nouvelle loi instaure également un index de l’égalité professionnelle dans le secteur public, comme c’était déjà le cas dans le privé. Toutes les administrations de plus de 50 agents, y compris le cabinet du président de la République, devront publier chaque année, sur leur site internet, des indicateurs sur les écarts de rémunération femmes-hommes, ainsi que les mesures choisies pour remédier à ces écarts. Les administrations ne publiant pas leurs données seront sanctionnées financièrement. Espérons que cet index sera plus efficace que dans le secteur privé…

 

Vie Publique, « Proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique », 6 juillet 2023.
L’info durable, « Fonction publique: le Parlement muscle les mesures d’accès des femmes aux responsabilités », 6 juillet 2023.
AEF, « Nominations équilibrées : malgré la loi Sauvadet, la féminisation du corps préfectoral progresse en dent de scie », 7 avril 2023.

 

AFGHANISTAN

Enième attaque contre les droits des femmes.

Mardi 4 juillet, les talibans ont annoncé la fermeture obligatoire des salons de beauté dans tout le pays avant la fin de ce mois-ci, excluant un peu plus les femmes afghanes de la sphère publique.

 

La décision a été prise par le mollah Hibatullah Akhundzada, chef suprême du pays, et diffusée par le Ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu. Aucune justification de cette interdiction n’a été donnée, seulement un délai d’un mois afin d’écouler les stocks des magasins avant fermeture définitive.

La fermeture des salons de beauté porte un nouveau coup aux droits des femmes du pays, et plus particulièrement à leur accès à l’espace public, chaque fois plus restreint. En effet, pour nombre d’entre elles, ces salons étaient des lieux de socialisation et d’échange, hors du foyer. Ils étaient également, pour d’autres femmes, notamment les veuves, la dernière opportunité de gagner un salaire de manière légale. La fermeture des salons de beauté est donc doublement nuisible pour les femmes afghanes, qu’elles soient clientes ou employées.

Cette décision n’est malheureusement qu’une étape du long processus entamé par les talibans dès leur arrivée au pouvoir en août 2021, visant à écarter les femmes de la sphère publique. Les femmes se sont en effet déjà vues interdire l’accès à l’enseignement secondaire et à l’université. A cela s’ajoute leur exclusion du marché du travail ainsi que l’interdiction de travailler avec les Nations Unies (ONU) ou toute organisation non gouvernementale (ONG). Ces mesures sont d’autant plus préjudiciables pour les femmes que le gouvernement taliban impose une séparation stricte entre hommes et femmes, il est donc obligatoire que les femmes reçoivent de l’aide humanitaire seulement de la part d’autres femmes, alors même qu’elles sont bannies des ONG… La même situation se répète dans le milieu médical : les femmes ne peuvent être prises en charge que par des médecins femmes, mais celles-ci sont de moins en moins nombreuses car interdites d’université. Les afghanes ont également été bannies de nombreux lieux publics, à l’instar des salles de sport, des jardins et piscines publics. Enfin, lors de leurs rares sorties en public, les femmes doivent porter la burqa.

De nombreuses organisations dénoncent une discrimination institutionnalisée et systémique envers les femmes d’Afghanistan. Dans un rapport du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU datant du 15 juin, plusieurs experts, notamment Richard Bennett, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme en Afghanistan, ont déclaré que les talibans étaient potentiellement responsables d’un « apartheid de genre ».

Pour en savoir plus, retrouvez le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme en Afghanistan : cliquez ici.

 

DW, « How the Taliban are violating women’s rights in Afghanistan », 8 juillet 2023.
UN News,« Afghanistan: Taliban ‘may be responsible for gender apartheid’ says rights expert », 19 juin 2023.

 


BRÉSIL

Le président Lula passe une loi pour combattre les inégalités salariales.

Le président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, a promulgué lundi 3 juillet une loi visant à garantir l’égalité salariale entre femmes et hommes effectuant le même travail ou un travail de valeur égale.

 

Ce texte représente une grande avancée dans la législation brésilienne puisque, comme l’a souligné la Ministre de la Femme Cida Gonçalvez, peu de progrès a été effectué en matière d’égalité salariale depuis la dénommée « Consolidation des Lois sur le Travail » de 1943. La nouvelle loi modifie le code du travail brésilien afin d’y mentionner expressément les critères obligatoires d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.

Au Brésil, les femmes, bien qu’elles représentent plus de la moitié de la population du pays, n’occupent que 37% des postes de direction. Selon l’Institut Brésilien de la Géographie et de la Statistique (IGBE), une femme brésilienne a un salaire en moyenne 22% inférieur à celui d’un homme. Plus grave, il est estimé qu’une femme de couleur gagne en moyenne l’équivalent de 46% du salaire d’un homme blanc.

Face à ces écarts de rémunération importants, la nouvelle loi prévoit des mesures fortes pour combattre les inégalités salariales. Le texte impose notamment des sanctions financières plus élevées que l’ancienne loi. En cas de discrimination liée au genre, à l’origine, ou encore à l’âge, l’employeur devra payer une amende équivalente à dix salaires de la victime. Les entreprises de plus de 100 employés devront également publier des rapports sur la transparence des salaires et les critères de rémunération, en incluant des données sur la proportion de femmes au sein des postes de direction.

Concernant les victimes d’inégalité salariale, la loi prévoit de faciliter le processus de dénonciation. Le gouvernement a créé trois numéros (Marque 100, Marque 158 et Marque 180) afin de permettre aux victimes de dénoncer de manière anonyme une situation d’irrégularité. Il est également possible de reporter une telle situation sur le site internet du Ministère du Travail.

Cette loi porte beaucoup d’espoir et de promesses, pour le peuple brésilien comme pour la communauté internationale. En effet, après le mandat de l’ancien président Jair Bolsonaro, au cours duquel les droits humains ont été souvent attaqués, et en particulier les droits des femmes, la Ministre de la Femme a affirmé que cette loi représentait un signal important pour le monde, marquant le changement politique apporté par l’élection de Lula l’année dernière. Le nouveau président a d’ailleurs insisté sur l’importance de la loi, promettant qu’elle serait appliquée « au pied de la lettre », et encourageant les victimes à dénoncer toute situation de discrimination.

 

MercoPress, « Igualdad salarial en Brasil es ley », 4 juillet 2023.
Télam, « La ley de igualdad salarial en Brasil, una señal al mundo frente a la ola antiderechos », 9 juillet 2023.

La fondation Tirop’s Angels a été créée par Joan Chelimo, championne du marathon de Séoul en 2022, avec l’aide d’autres sportives suite au féminicide d’Agnes Tirop.

Le 13 octobre 2021, Joan Chelimo retrouve son amie morte dans son salon, tuée par son époux. Cette dernière avait battu le record du monde du 10 km sur route quelques semaines auparavant.

Les féminicides sont nombreux au Kenya, d’autant plus que le mariage forcé est une pratique encore répandue, dont sont victimes de nombreuses jeunes femmes. Ainsi, les hommes apprennent dès l’enfance à considérer la femme comme inférieure. Joan Chelimo exprime que “cette histoire de violence au sein du foyer, c’est celle de tout un tas de coureuses par ici. Peut-être parce que je la connaissais et qu’elle était connue, cela m’a réveillée. J’étais déterminée à lutter pour qu’il n’y ait pas d’autres Agnes.”

Les fondatrices d’Iten (Kenya) unissent leurs forces dans le but de lutter contre les violences conjugales et sexuelles. Principalement, par l’organisation de conférences de prévention et d’apprentissage, notamment dans les écoles, où la fondation éveille les consciences sur les situations des filles et femmes. Par exemple, sur la culture du silence qui règne au Kenya dans les foyers. La fondation met également des dispositifs en place, tel qu’un numéro de téléphone accessible aux femmes victimes de violence. Les membres répondent à ce numéro et, à défaut de la police, la discrétion, la rapidité et la sororité sont de mise !
Par conséquent, les stéréotypes et la domination masculine sont encore trop présents au Kenya et cela n’exclut pas les championnes !

« Depuis que les femmes ont du succès, les hommes se rapprochent d’elles pour tenter d’en profiter. Ils sont les maîtres de leurs carrières. Combien de fois je me suis retrouvé à batailler avec des types qui voulaient se mêler de tout… » expose Jean-Paul Fourier, un agent belge qui pendant plus de 30 ans a représenté de nombreuses athlètes kényanes. C’est la triste réalité des athlètes qui performant à l’international, qui lors du retour à la maison subissent des violences physiques et morales et ne peuvent être actrices de leurs vies.

Par exemple, l’époux d’Agnes Tirop s’était débrouillé pour mettre à son seul nom les terrains qu’avait achetés la coureuse. De plus, en 2021, après les Jeux olympiques de Tokyo, où elle a terminé à la quatrième place du 5 000 mètres, Agnes Tirop n’a pu poursuivre la course pendant plusieurs semaines à cause d’une blessure à la jambe qu’elle assurait s’être faite à l’entraînement. Mais il s’est avéré que son mari l’avait violemment battue.

Finalement, le but pour la fondation Tirop’s Angels est de proposer un système de protection et de prévention durable, afin que les femmes ne retournent plus vivre avec leur conjoint et soient pleinement libres de leurs actions et de leurs corps.

 

Le Monde, « Au Kenya, une course de fond contre les violences conjugales », 2 juillet 2023.

 


BD – Ils abusent grave de Erell Hannah et Fred Cham

 

Erell Hannah et Fred Cham se rencontrent il y a dix ans, elle autrice, lui dessinateur, ils décident de collaborer afin de monter un blog reprenant des thèmes sociétaux dont ils parlent avec satire. Ils lancent ce blog de BD avant de publier leurs réalisations dans un premier temps sur Facebook puis Instagram (@ilsabusentgrave). Leurs publications suscitent beaucoup de réactions, notamment sur Facebook, où ils reçoivent de nombreuses réactions enflammées”.

La BD “Ils abusent grave” parle de féminisme et de sciences humaines avec l’objectif de dénoncer le sexisme ordinaire ! On se demande par exemple pourquoi les femmes de pouvoir sont toujours représentées nues, pourquoi les personnages masculins malsains sont idolâtrés à la télé, ou encore pourquoi il est plus facile pour une femme de se faire passer pour “bête” aux yeux de la société.

L’autrice nous propose une analyse scientifique de ces sujets par la vulgarisation d’études scientifiques qu’elle rend ainsi accessibles au plus grand nombre. Le processus de création est partagé entre Erell Hannah, qui trouve les thèmes et mène les recherches, et Fred Cham, qui réalise les dessins.

Une bande dessinée qui nous a fait rire, sourire, qui nous met aussi un peu plus en colère face à notre société mais surtout qui nous pousse à la réflexion. Une lecture pour les jeunes et moins jeunes, qu’on ne peut que recommander !

Retrouvez leur blog : cliquez ici.