Revue de presse féministe & internationale du 29 mai au 02 juin
2 juin 2023Revue de presse féministe & internationale du 09 au 16 juin
16 juin 2023Revue de presse féministe & internationale du 2 au 9 juin
FRANCE
Pornographie : Le HCE Alerte appelle à plus de vigilance
Au mois de mai, un projet de loi visant à “sécuriser et réguler l’espace numérique” a été présenté à l’Assemblée Nationale par le ministre Jean-Noël Barrot. Alors que ce projet s’apprête à être étudié au Sénat, le HCE (Haut Conseil à l’Égalité) publie ce lundi 05 juin une série de recommandations nommées Vigilance à l’égalité dans lesquelles il appelle à compléter le projet de loi de régulation du numérique.
Cette vigilance s’inscrit dans le cadre d’un rapport extensif qui sera publié en septembre prochain par le HCE, et portant sur les violences sexistes et sexuelles de l’industrie pornographique. Ce rapport en préparation fait directement écho au rapport sénatorial “Pornographie: l’Enfer du Décor” dont la co-rapportrice est Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat.
Le HCE déplore que les femmes et les filles soient omises du projet de loi, alors même qu’elles sont victimes du système pornographique de façon spécifique et disproportionnée. Pour le HCE, il est nécessaire que les contenus illégaux soient éliminés des sites pornographiques au plus vite : dans sa vigilance, il est rappelé que les 90% des contenus des vidéos publiés sur les sites pornographiques constitueraient des infractions pénales (violences physiques ou sexuelles). Ainsi, la violence contre les femmes ne sera plus disponible, ni ne représenterait une aubaine économique.
Concrètement, le HCE propose que la plateforme Pharos, employée pour signaler les contenus terroristes ou pédopornographiques, puisse également signaler les contenus présentant des actes de torture et de barbarie, des traitements inhumains et dégradants et des viols. De la même façon, il souhaite que l’ARCOM (Autorité de Régulation de la Communication audiovisuelle et Numérique) puisse augmenter son champ de compétences, afin d’être saisie pour contrôler la conformité des refus de blocages et ordonner à Pharos le retrait, le blocage ou le déréférencement de certains contenus. De plus, le HCE propose d’alourdir les sanctions à l’encontre des hébergeurs et diffuseurs de contenus illicites, pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires des sites hébergeurs. Enfin, l’autorité indépendante propose d’assurer un droit de retrait effectif à tout moment et sans justification, de tout contenu à caractère sexuel par la personne filmée ou photographiée. Le HCE propose également que toute image, représentation à caractère pornographique, d’une mineure ou d’une personne dont l’aspect physique est celui d’une mineure soit interdite, quel que soit l’âge de la personne filmée.
Ces recommandations s’inscrivent dans une série de poursuites judiciaires en cours, dont l’association Osez le féminisme ! est partie civile (contre les sites Jacquie & Michel, “French Bukakké” et l’affaire Pascale Opé”). Pour en savoir davantage, visionnez notre webinar sur la pornocriminalité.
L’éclaireur, « Le Haut Conseil à l’Égalité demande une meilleure régulation de la pornographie en ligne », 6 juin 2023.
Le Parisien, « Pornographie en ligne : les recommandations du Haut Conseil à l’Égalité pour mieux protéger les femmes », 5 juin 2023.
UNION EUROPÉENNE
L’UE vote l’adhésion de la Convention d’Istanbul
Pendant plusieurs années, la Convention d’Istanbul (ou Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) s’est confrontée à l’hostilité de certains pays européens. La Convention d’Istanbul propose un cadre juridique global visant à protéger les femmes contre toutes formes de violence, ainsi qu’à prévenir, poursuivre les auteurs et éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Ce jeudi 1er juin 2023, l’Union Européenne a adhéré à la Convention d’Istanbul par l’adoption de deux décisions du Conseil de l’Europe, cette adhésion liera notamment les membres de l’UE par des normes internationales. Cette proposition vise à faire en sorte que les formes les plus graves de violence à l’égard des femmes soient érigées en infractions pénales dans l’ensemble de l’Union. La Commission Européenne est déterminée à combattre des violences sexistes, elle réaffirme sa volonté de proposer de nouvelles règles afin de mettre un terme aux violences à caractère sexiste.
La Convention d’Istanbul engendrera une série de décisions à prendre pour les pays la ratifiant. Ainsi, les mesures se répartissent en quatre catégories :
La prévention : avec des campagnes de sensibilisation ou la formation des professionnel-le-s ou encore avec l’éducation à la non-violence et à l’égalité entre les femmes et les hommes, etc.
La protection : avec la mise en place de services de soutien, l’ouverture de refuges, etc.
Les poursuites : dans le cadre de l’application de la loi et des procédures judiciaires (comme les sanctions des auteur-e-s) ainsi que dans le cadre du droit des victimes (comme la protection des enfants victimes et témoins)
Les politiques coordonnées : avec des mesures comme la coopération interinstitutionnelle, le soutien et le travail avec la société civile et les ONG, etc.
En définitive, l’adoption de la Convention d’Istanbul représente une réelle victoire pour le droit des femmes au sein de l’Union Européenne compte tenu de la difficulté de son adoption. En effet, l’unanimité des pays membres étant requise pour l’adoption d’une Convention, les discussions concernant la Convention d’Istanbul se sont retrouvées confrontées aux résistances notamment des pays de l’Est de l’Europe comme la Pologne, la République Tchèque ou encore la Hongrie. De plus, en juillet 2021, la Turquie décide de se retirer de la Convention d’Istanbul ce qui représente une forme de frein à l’avancée des droits des femmes dans le pays. Suite à ce retrait, la Cour de Justice de l’UE est saisie et statue que l’unanimité n’est pas nécessaire à l’adoption de la Convention, mais que la majorité sera requise. De ce fait, les deux décisions du Conseil de l’Europe représentent une réelle victoire vers la ratification de la Convention d’Istanbul.
Toutefois, il est important de noter que l’adhésion à la Convention d’Istanbul ne concerne que les domaines dans lesquels l’UE a des compétences exclusives.
Euractiv, « L’UE va ratifier la Convention d’Istanbul malgré l’opposition de certains Etats-membres », 1er juin 2023.
Amnesty International, « La Convention d’Istanbul peut sauver des vies. Voici pourquoi », 7 mai 2021.
MALTE
Une femme poursuivie en justice pour avoir avorté
Malte est le dernier (et le seul) pays européen à interdire totalement l’avortement, même en cas de viol, d’inceste ou si la vie de la femme est en danger. Avorter est, à Malte, un crime.
La femme arrêtée pour avoir avorté aurait ingéré des pillules abortives, certainement importées de l’étranger car interdites dans le pays, et aurait subit un avortement médical. Après son arrestation, elle a bénéficié d’une libération conditionnelle. La sentence du tribunal nous informe qu’elle vivait une relation abusive, son agresseur étant la personne l’ayant dénoncée aux autorités.
Le tribunal déclare que sa situation n’excuse pas son acte, en mettant en avant le fait que d’autres solutions existent pour l’aider dans sa position plutôt que de prendre une “mesure extrême”. Toutefois, le juge chargé de son affaire a décidé de ne pas la condamner car elle a déjà un jeune fils et qu’aucune charge n’a été précédemment reconnue contre elle.
De nombreux groupes pro-vie ont réagi comme Doctors for life “les pressions qui ont conduit cette femme à mettre fin à la vie de son futur enfant ne doivent pas être sous-estimées. Toutefois, le fait qu’une vie humaine soit désirée ou non n’est pas le critère qui détermine sa valeur”. Ces derniers ont beaucoup de pouvoir, et ont une partie de la population et surtout la loi de leur côté. En effet, la question de l’avortement divise d’autant plus le pays que la population catholique est très proche du Vatican. Toute personne affichant une position en faveur, de près ou de loin, à l’avortement est menacée de représailles, les cas de harcèlement se multipliant de la part des groupes pro-vie.
Pourtant, chaque année, ce sont plusieurs milliers de Maltaises qui se font avorter à l’étranger ou utilisent des pilules illégalement achetées. Cette impossibilité légale de procéder à une IVG sûre et légale met en danger leur vie et constitue une entrave à leur droit et à leur santé sexuelle et reproductive.
Le Parti travailliste au pouvoir a envisagé de modifier la loi. Ainsi, le parti a proposé des amendements permettant d’effectuer des procédures de sauvetage pour sauver la mère, même si cela entraîne la mort du foetus. Cependant, il faut souligner que les modifications n’autoriseraient pas la procédure en cas de viol, d’inceste et de problèmes de santé non-menançant. Adoptée en deuxième lecture par le Parlement en décembre, elle devrait être votée cette année. Toutefois, lorsque la loi a été votée en deuxième lecture, le Président George Vella a affirmé qu’il préfère résigner plutôt que de signer et mettre en vigueur la dite-loi telle qu’elle a été votée par le Parlement.
Euractiv, « Malta abortion amendments pass second parliamentary reading », 20 décembre 2022.
Euractiv, « Malte : l’arrestation d’une femme ayant avorté divise », 7 juin 2023.
Libération, « Malte : une femme poursuive en justice pour avoir avorté », 2 juin 2023.
TURQUIE
La crainte des femmes face à l’alliance du Président Erdogan avec un parti islamiste
A la tête de la Turquie depuis plus de 20 ans, Erdogan est réélu pour un troisième mandat, toutefois cette réélection, supposée synonyme de stabilité, n’a fait que diviser le pays plus profondément.
Les défenseurs·euses des droits des femmes sont particulièrement inquièt·es face à cette réélection, les droits des femmes dans le pays ont été fortement reniés ces dernières années, notamment avec le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, traité protégeant les femmes contre les violences sexistes, dont l’opposition avait promis la réintégration. Avec la réélection du Président Erdogan, cet espoir a vite disparu pour les femmes et filles du pays.
Parallèlement, les élections législatives ont vu l’arrivée au parlement de partis hostiles aux droits des femmes. Quatres députés issus du parti Hüda-Par, parti islamiste kurde, ont été élus à l’Assemblée Nationale, ceux-ci se sont notamment opposés à l’emploi des femmes au parlement. Hüda-Par a notamment affirmé son intention de protéger l’intégrité de la famille, ce qui se traduit par un recul sur les lois protégeant les femmes des violences domestiques. Hüda-Par propose de criminaliser les relations sexuelles extraconjugales et adultères, de supprimer les droits des femmes en matière de pension alimentaire et d’abroger la loi turque qui protège les victimes d’abus domestiques. Le parti assume publiquement ses positions misogynes en déclarant que les femmes ne devraient pas voter, mais devraient plutôt être mariées avant leur 30 ans. La montée en puissance de ce parti inquiète fortement dans le pays, avec des craintes que la situation ne devienne similaire à celle de l’Iran.
De plus, le président s’est montré proche de ce parti, ne faisant qu’amplifier les craintes de répercussions pour les femmes du pays. Ainsi, selon les expert•es, l’alliance entre Erdogan et Hüda-Par sera visible dans une dizaine d’années, une fois que de l’axe du conservatisme sera réintégré dans les politiques publiques.
France 24, « En Turquie, les femmes redoutent l’alliance d’Erdogan avec un parti islamiste kurde », 3 juin 2023.
Radiofrance, « Turquie : inquiétude des féministes après la réélection de Recep Tayyip Erdogan », 29 mai 2023.
Le 6 juin dernier s’éteignait l’artiste peintre et autrice Françoise Gilot. “La femme qui a dit non à Picasso” d’après Le Point, “l’ombre de Picasso” pour le New York Times, la “femme-fleur” selon Libération ; Françoise Gilot fut, tout au long de sa vie, associée à l’homme auquel elle fut mariée entre 1943 et 1953, Pablo Picasso.
Françoise Gilot a d’abord dû convaincre sa famille de son ambition d’artiste. Elle a ensuite fréquenté les sphères artistiques à la suite de sa première exposition dans une galerie parisienne en 1943. De ces fréquentations naît sa rencontre avec Pablo Picasso. Artiste avant d’être épouse donc, Françoise Gilot continuera à peindre durant son mariage. Ses peintures sont inspirées du style picassien, mais pas seulement ; son art est également influencé par des mouvements modernes tels que le principe de Réalités Nouvelles. Elle expose ses œuvres à Londres et à New York, où elle rencontre un succès retentissant.
Le livre relatant de sa relation avec le peintre est paru en 1964 aux Etats Unis, et l’année suivante en France. Elle y conte les comportements agressifs, possessifs et parfois violents de Pablo Picasso : ce témoignage rare et exhaustif contribuera ensuite en grande partie au mouvement parallèle à MeToo dénonçant la glorification des “génies” omettant ou niant leurs comportements sexistes et/ou violents par ailleurs.
Françoise Gilot a davantage été la “femme de” que “l’artiste”, et cela est d’autant plus vrai en France. Si le MOMA et le Metropolitan Museum of Art de New York comptent dans leur collection des œuvres de Françoise Gilot, la France n’a entrepris que des initiatives timides afin de promouvoir et visibiliser l’artiste (une à Nîmes en 2012 et une seconde en 2021 à Saint-Rémy-de-Provence). Le musée Picasso de Paris n’a, par exemple, jamais mis en avant l’artiste ou ses œuvres.
Françoise Gilot fait partie du matrimoine français. Aujourd’hui grande artiste disparue et regrettée, elle doit (ré)apparaître dans les écoles d’art, dans les musées et recevoir la lumière qu’elle mérite et ce, indépendamment de son mariage avec Picasso.
Le Monde, « Françoise Gilot, peintre et femme libre, est morte », 6 juin 2023.
Libération, « La peintre Françoise Gilot, « muse » et dénonciatrice de Pablo Picasso, est morte à 101 ans », 6 juin 2023.
La comédie « La graine » réalisée par Eloïse Lang nous plonge dans le parcours d’un couple de femme qui est prêt à tout pour faire un enfant. Après trois tentatives non concluantes, elles se rendent en Belgique pour réaliser un ultime essai d’avoir cet enfant. Les deux femmes sont déterminées malgré les difficultés financières qu’engendrent la PMA (Procréation Médicalement Assistée).
Ce film met en avant le parcours PMA d’un couple homoparental qui reste un thème assez rare dans le cinéma français. Il fait donc figure de sensibilisation à la complexité d’avoir un enfant pour certains couples. Il aborde plusieurs problématiques relatives à la procédure tel que le prix d’une insémination artificielle, on suit le combat de ces personnes pour arriver à avoir cet enfant tant désiré tout en conservant une stabilité dans leur couple.
Le film traite de l’expérience du couple en Belgique bien qu’en France, depuis septembre 2021 la PMA est ouverte aux couples de femmes mais également aux femmes célibataires. De ce fait, le droit de filiation permet désormais un double lien maternel pour les femmes ayant eu recours à une PMA à l’étranger depuis 2019. Cependant, beaucoup de couples se tournent vers la Belgique, le pays proposant des délais bien plus courts pour recourir à la procédure, le délai en France étant d’un an minimum.